Karin Viard - Reine d'un jour, reine toujours

Karin Viard, comédienne, future Ex-femme de ma vie chez Balasko la semaine prochaine, varie les plaisirs, les genres et les rôles au nom de sa liberté d'actrice. Luc Hernandez


Il y a boulet et boulet. Il y a la fille collante qu'on se trimballe comme un sac à émotions prêt à se renverser, et puis il y a le boulet de canon, la fille sexy un rien ostentatoire qui affiche sa disponibilité. Karin Viard est un peu les deux. Elle a sa grosse voix repérable entre toutes pour faire entendre la première. Mais aussi les gros seins et le joli minois pour montrer qu'elle peut faire quand elle veut une escapade dans le rôle de la seconde. La Nouvelle Eve de Catherine Corsini en 1999 lui a donné l'occasion de relier à la fois son côté sexy et paumé, dans son rôle favori : celui de la femme d'aujourd'hui, celle qui frise la vulgarité sans jamais y tomber. Déboussolée, elle l'était déjà dans Les Randonneurs, qui la fait exploser dans la comédie en même temps que Poelvoorde. Elle continuera de chercher le Nord de l'amour dans des films aussi différents que La Nage indienne, Embrassez qui vous voudrez (où elle aimerait bien, "juste une fois, pour voir, avoir un orgasme féminin"), Le Rôle de sa vie avec Agnès Jaoui ou l'épatant Reines d'un jour (où elle court après Gilbert Melki sans jamais l'attraper). Rebelote dans le dernier Balasko à venir la semaine prochaine, L'Ex-femme de ma vie. La plus drôle et la plus belle des célibataires sur grand écran français semble être disponible comme d'autres sont condamnés : à vie, pour le meilleur et pour le pire.L'anti-DeneuveCar cette voix cristalline, d'une franchise à tout casser dans la comédie, peut être aussi tranchante comme une lame quand le drame survient : déchirante dans Emmène-moi ou Haut les cœurs, elle est une des rares actrices françaises à s'être aventurée dans le thriller (Un jeu d'enfants ou le prochain Costa-Gavras avec José Garcia, Le Couperet), jusqu'au gore (Je suis un assassin, avec Giraudeau et Cluzet). À bientôt quarante ans et cinquante films, elle semble pouvoir tout jouer et l'air de rien, elle a déjà opéré une petite révolution dans le monde féminin un rien trop étroit du cinéma hexagonal. Ayant renoncé depuis toujours à la tradition hystérique de l'actrice française lancée par les deux Isabelle (Adjani et Huppert), elle n'a rien non plus de ces éternelles bourgeoises dont chaque rôle semble un peu trop l'occasion de tester la durabilité de leur image. Karin Viard, c'est l'anti-Deneuve : à l'aura, elle oppose le tempérament, et n'a pas besoin de pose existentielle pour faire exister ses personnages. Elle ressemblerait davantage à une petite sœur de Balasko : simple, directe, professionnelle. La singularité d'un rôle, d'un univers, voilà ce qui la motive, et si elle est sur le point pour la première fois de retourner avec des réalisateurs qu'elle affectionne (Christian Vincent, Solveig Anspach, Tonie Marshall et, "un jour, c'est certain", avec Philippe Harel), elle a surtout ressentie jusqu'ici le besoin de varier les plaisirs. "Plus on a de gens pour poser des regards sur soi, plus on a de chances de se renouveler. Certains vont me voir comme une grande mystérieuse, d'autres comme une grande angoissée. J'aime me laisser porter par ces regards." Tout sauf être stastique, et elle ne se sentirait sûrement pas de retourner au théâtre qu'elle a pratiqué au Conservatoire de Rouen puis à Paris dans les années 90 : "Quand c'est pénible le théâtre, c'est pénible. Ce n'est pas tant le fait de jouer que tout ce qu'il y a autour. Et tout ce qu'il y a autour me coupe parfois tellement le désir que c'est atroce. La durée, les partenaires, les tournées font que je me sens en prison."Belle mamanElle a aujourd'hui deux belles filles et compte bien ne pas perdre son temps en digressions inutiles. "Ça m'est arrivé de me retrouver dans une pièce et de me dire que je me suis trompée, que le personnage n'est pas si intéressant. Il me reste alors encore six mois à me trimballer avec ça. Au cinéma, si on se trompe, c'est deux mois de notre vie. Pour le moment, je me paie le luxe de continuer à fonctionner de façon à voir grandir mes enfants." Un seul credo : liberté chérie. "J'ai besoin d'indépendance. J'ai horreur des rapports affectifs quand ils sont trop lourds et trop investis. Je peux refuser un rôle formidable sur le papier si je sens que la rencontre ne repose pas sur des rapports sains. Je n'appartiens à personne, je suis libre et je choisis de faire des choses." Et des belles : après Le Couperet de Costa-Gavras (en mars), on la retrouvera dans L'Enfer, le deuxième film de Danis Tanovic après No man's land, adapté d'un scénario de Kieslowski.


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Je t'aime, moi non plus