Combat rock

Analyse / L'émergence rock à Lyon, c'est une demande grandissante et une offre déplorable. Absence de locaux de répétition et restriction des lieux de diffusion, les groupes doivent se tourner vers les structures privées. Dorotée Aznar


"L'histoire du rock à Lyon depuis trente ans est caractérisée par des fermetures et des interdictions". Cette affirmation, extraite du rapport sur les musiques actuelles réalisé par l'Agence Musique et Danse Rhône-Alpes (AMDRA) en 2001, est plus que jamais d'actualité. Structures, moyens, accueil, le constat est affligeant : Lyon n'est pas une terre d'accueil pour les rockeurs en herbe. L'émergence rock est tout d'abord freinée par la quasi-absence de lieux de répétition. Au total, le rapport de l'AMDRA recense cinq studios disponibles et adaptés, voilà qui explique sans doute la multiplication des lieux de répétition improvisés. "Les lieux de répétition sont chers (environ dix euros de l'heure) et les conditions de travail ne sont même pas bonnes. À l'Hôtel de la musique par exemple, le son est absolument horrible", déplore Nico Poisson, de SK records. Les possibilités de diffusion ne sont pas beaucoup plus larges. Les pentes s'aseptisent progressivement et les lieux ouverts à l'émergence se comptent sur les doigts de la main. Le Bistroy, le Blue Banana, le Sirius, les scènes découverte du Ninkasi et de la MJC Perrache et, accessoirement, le Kiki Kai Kai et la Fée Verte, les places dans une programmation sont chères. "Il y a cinq ou six ans, un groupe pouvait faire deux semaines de concerts sur les pentes", déplore Terai Isabelle, programmateur de la MJC Perrache. Mais depuis 2000 et l'entrée en application du décret bruit, le fermeture des cafés concerts s'est accélérée, parallèlement à l'arrêt des programmations. Rajoutons quelques travaux et la cessation (provisoire) d'activité de la MJC de Perrache et l'on obtient un joli désert. Pourtant ce n'est pas l'offre qui manque. Le rock des cavesLyon compterait plus de 10 000 musiciens amateurs. Au Grnd Zéro, squat de son état, les demandes de groupes cherchant des locaux de répétitions affluent, "une centaine au moins depuis notre ouverture" explique Nico Poisson. La MJC Perrache recevait l'an dernier cinq à sept maquettes par semaine, et ce chiffre atteint 70 par mois au Kao. Autant dire que les petits groupes sans expérience ne sont pas la cible des programmateurs. "Les premières sélections se font à l'écoute, on a peu de temps pour partir en repérage", avoue Terai Isabelle, qui constate pourtant une réelle amélioration, artistique et technique, des groupes locaux. Restent quelques lueurs d'espoirs. La salle Basset devrait être en capacité d'accueillir l'an prochain résidences et répétitions montées, et l'idée d'une salle de répétitions fait son chemin. La ville a par ailleurs assuré son soutien (somme toute verbal) au projet de Grnd Zéro qui occupe des locaux dans le septième arrondissement et dont le sort devrait se jouer cette semaine au tribunal. Le rock à Lyon : beaucoup d'appelés et peu d'élus certes, il n'en demeure pas moins que la ville a au moins quinze années de retard dans le domaine.


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Authentique et éclectique