Le Dernier qu'arrive au sérail

Théâtre / Une deuxième partie de saison dans un fauteuil, où chacun va jouer correctement son rôle en attendant l'ouverture des Célestins rénovés, enjeu majeur pour la suite des hostilités. Christophe Chabert


L'année 2005 débute par un anniversaire. Après la Croix-Rousse en septembre, c'est le Point du Jour qui souffle ses 10 bougies le 10 janvier, avec une soirée modeste (un spectacle, un gâteau, un film) à l'image de ce théâtre discret mais pas toujours (merci encore pour les deux spectacles de TG Stan en décembre !). La suite est bien connue, chacun jouant une partition rôdée et éprouvée. Accueils luxueux de metteurs en scène pointus au Théâtre National Populaire (Jean-Pierre Vincent et Derniers Remords avant l'oubli d'après Lagarce, Py et ses Vainqueurs de 10h), défilé de créateurs amis et doués à la Croix-Rousse (Omar Porras pour Don Juan, Bruno Bœglin pour Les Bonnes, Dan Jemmett pour Femmes, gare aux femmes), mise en orbite de la formule théâtre+musique à la Renaissance (avec en tête de pont le stimulant projet de Sentimental Bourreau, L'Exercice a été profitable, Monsieur, d'après les textes de Serge Daney), fidélité de Michel Raskine (un nouveau spectacle avec Marief Guittier composé d'un texte de Dea Loher accolé à un autre signé Genet, ou le retour de Joël Jouanneau avec Les Amantes d'après la Prix Nobel Elfriede Jelinek). Quant à Gilles Chavassieux, il continue lui aussi d'écluser ses auteurs de prédilection, notamment Lionel Spycher dont il monte à la façon d'un feuilleton théâtral Les Carnets du Président (à noter par ailleurs dans la programmation des Ateliers un ultime spectacle qui pourrait être la bonne surprise de cette deuxième partie de saison, Hysteria par les Portugais du Gruppo XIX de Teatro).Deux monstres sacrésA priori, une création de Roger Planchon au Studio 24 (d'après Tchekhov qui plus est) relève aussi du déjà-vu, et certains ne manqueront pas de lui en faire le reproche. Pourtant, on se languit déjà de découvrir L'Esprit des bois, ne serait-ce que pour la présence au casting de Jean-Pierre Darroussin et Hélène Fillières, acteurs admirables et admirés. Mais Planchon arrive avec une autre actualité sous le bras : une autobiographie volumineuse, écrite avec un mélange de sarcasme et de tendresse surprenant, jetant un éclairage nouveau sur ce metteur en scène colossal qui aura marqué une génération d'acteurs et de metteurs en scène lyonnais. Des acteurs qui aujourd'hui fournissent la chair à Kaamelott d'un Alexandre Astier, et qui essaimeront par ailleurs dans d'autres reprises importantes de ce début d'année (la plus forte : l'excellent Baby King d'Emmanuel Meirieu à l'Élysée). Autre légende vivante du théâtre français, Ariane Mnouchkine offrira aux Célestins son dernier spectacle hors-les-murs avant sa réouverture. Le Dernier Caravansérail, énorme projet ayant connu à Paris un succès démesuré, est une création collective du Théâtre du Soleil autour des odyssées en mineur, celles des réfugiés, des migrants et des clandestins, dont Mnouchkine se charge de retracer les destins. Spectacle surprise, spectacle événement, Le Dernier Caravansérail marquera l'apogée de cette saison 2004-2005.


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