L'art de la guerre


Images / Trêve des fêtes de Noël... Profitons-en pour parler un peu de la guerre et de quelques expos remarquables tournant autour de ce sujet. Face au flux ininterrompu et incontrôlable des images, les photo-reporters vivent, on le sait, une crise ancienne et profonde (cf. l'expo au CHRD consacrée au World Press Photo jusqu'au 26 décembre, où l'art est une voie de plus en plus prisée par les reporters). Certains, comme Stanley Greene en Tchétchènie (présenté au CHRD), poursuivent un travail "classique" de tête brûlée digne d'un Capa tout en diffusant leurs images dans les musées et les galeries ; d'autres comme Luc Delahaye se tournent vers la photo d'histoire comme il y eut une peinture d'histoire (cf. son récent ouvrage History) ; d'autres encore comme Rip Hopkins quittent les champs de bataille pour un travail mêlant indistinctement aspect documentaire et parti pris esthétique (sur les populations du Tadjikistan et d'Ouzbékistan, au Réverbère jusqu'au 19 février).De la guerre au guetEt les artistes "pur jus" dans tout ça ? D'aucuns les croyaient confinés à la sphère de l'intime ou ruminant sans fin l'histoire de l'art. Un préjugé battu en brèche par plusieurs artistes de générations différentes, directement préoccupés par l'actualité et la guerre en particulier... Témoignages bruts d'Erro sur l'état du monde sous forme de grandes toiles impressionnantes mimant les comics (à l'IUFM jusqu'au 19 janvier). Dessins à vifs mêlant sexe et violence, inspirés de la BD eux aussi, de Maurizio Savini (à la MLIS de Villeurbanne jusqu'au 15 janvier, très belle expo où l'on verra aussi ses sculptures en chewing-gum, friandise importée en Italie par... les soldats américains). Wall-drawing au trait naïf et libre de Dan Perjovschi (Terrorists, Soldiers, Children à l'Ecole des Beaux-Arts jusqu'au 31 décembre). Posages et collages poétiques, polémiques et drolatiques du grand écrivain Alain Jouffroy (L'Envers de la guerre, Galerie José Martinez jusqu'au 29 janvier). Présentation, par Guillaume Paris, de slogans propagandistes et publicitaires américains glissant sans transition du fondamentalisme chrétien au patriotisme le plus atterrant, dans des formes graphiques très design et "branchées" (expo à ne pas rater au Néon jusqu'au 15 janvier). Face au déchaînement du monde et à l'oppression, Yves Henri, quant à lui, poursuit sa démarche engagée et poétique, essaimant ses "guetteurs " (petits bonhommes sculptés) en Palestine, à la prison de Villefranche et, dernièrement, sur le frontispice du Musée d'art contemporain. L'artiste, décidément, demeure le témoin de son temps.Jean-Emmanuel Denave


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Entretien avec Arnaud Desplechin