Et la lumière fut !

Expo / La bibliothèque de la Part-Dieu présente les différentes facettes du photographe Jean Dieuzaide (1921-2003). Ses images composées d'un œil de maître sont de toute beauté. Jean-Emmanuel Denave


Heureuse coïncidence : revoir les photographies de Jean Dieuzaide le jour de la Fête des Lumières, lui qui a consacré son existence à la lumière et n'a cessé de la célébrer, voire de l'exalter pour ses qualités métaphysiques. "Photographier, c'est "écrire avec la lumière"... Lumière et vision sont intimement liées. C'est pourquoi j'affirme aussi qu'au-delà d'un art, la photographie est une approche philosophique du monde. Qu'elle soit physique ou intérieure, la lumière est aussi le "révélateur" de la totalité de la perfection ou de l'imperfection du sujet" écrit-il. La photographie pour Dieuzaide relève d'une quête existentielle et spirituelle. Il est l'un des acteurs clefs de l'histoire récente de la photographie française : avec Lucien Clergue et Michel Tournier, il crée en 1970 les Rencontres Internationales d'Arles, fonde en 1974 le Château d'Eau à Toulouse... Son œuvre demeure méconnue comparativement à celles de ses contemporains Boubat ou Cartier-Bresson. Elle est pourtant immense, hétéroclite et superbe. La Bibliothèque de la Part-Dieu en présente un florilège conséquent : 150 images classées par grandes thématiques. Une goutte d'eau parmi le million de négatifs recensé du photographe !Flirt avec l'abstractionDe Dieuzaide, on connaît souvent la barque-lune affrontant une vague fumant d'écume, les portraits de gitans, le visage fleuri de Dali émergeant de l'eau... Sa photographie est dite humaniste, mais elle est en réalité plus complexe. Ce qui frappe immédiatement devant ses images c'est leur rigueur, la méticulosité des compositions et le rendu des matières. Une rigueur parfois un peu assommante dans ses portraits hiératiques où l'être humain est tellement sublimé qu'il en perd son rapport à la chair et au réel. On sera plus sensible aux images où Dieuzaide se sert carrément de la figure humaine comme d'un motif quasi abstrait pour ses compositions : deux pèlerins avalés par leurs ombres saisis à la verticale de la basilique de Lourdes, les membres d'une formation orchestrale formant comme des notes noires et blanches d'une arabesque musicale, deux masses noires anonymes en train de prier contrastant avec la blancheur immaculée d'un bâtiment... L'abstraction est d'ailleurs une tentation constante chez Dieuzaide. Ses prises de vue aériennes, ses photos d'églises ou de bâtiments modernes, ses paysages naturels ou industriels, sont une ode à la pureté des lignes, à la dialectique harmonieuse des ombres et des lumières, à l'essence mathématique de la nature ou des constructions humaines. Regarder des Dieuzaide c'est comme lire du Platon : cette capacité à extraire du désordre du monde des images de cristal force l'admiration, éblouit, même si ce n'est pas notre philosophie.Rétrospective Jean DieuzaideÀ la Bibliothèque de la Part-Dieu jusqu'au 4 janvier.


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Humour et guirlandes