Dylan is Dylan(s)

Cinéma & Musique / L'Institut Lumière propose pendant un week-end la totalité des images de et avec Bob Dylan, un ensemble hétéroclite qui est le meilleur mode d'emploi pour entrer dans «I'm not there», faux biopic de Todd Haynes consacré au chanteur. Christophe Chabert


Les rapports entre Dylan et le cinéma ne sont pas faciles à résumer. Fasciné puis déçu, le chanteur est passé devant puis derrière la caméra, s'est retrouvé à jouer son propre rôle ou des personnages taillés sur mesure dans de grands et de petits films, s'est laissé filmer au naturel avec gourmandise avant de réclamer, avec fermeté, de récupérer son droit à l'image. De tout ça, pourtant, il ne reste qu'une poignée d'œuvres, documentaires à chaud ou rétrospectifs, fictions tronquées ou mineures, toutes présentées pendant ce week-end à l'Institut Lumière. Or, c'est bien les images de Dylan, et non son image de musicien mythique et polyvalent, qui a inspiré Todd Haynes dans I'm not there, un film qui n'est dans le fond qu'une recréation assez fétichiste de ces «documents», avec ce qu'il faut de rêverie autour pour en faire une fiction.Kaléidoscope inégal
Ainsi, dans le film, quand Richard Gere devient un des multiples alias de Dylan, il incarne un cow-boy vieillissant et écolo, synthèse théorique entre son personnage dans ce drôle de machin qu'est Masked and Anonymous et celui du troubadour fantôme hantant guitare au poing l'Ouest décadent de Pat Garrett and Billy the kid. Toute la partie «post-folk», où Dylan s'enfonce dans un véritable bras de fer provocateur avec le monde qui l'entoure, est largement influencée par les deux documentaires tournés par D.A. Pennebaker, notamment Don't look back. Et Cate Blanchett, malgré son sexe, est alors la seule à jouer clairement la ressemblance physique avec son modèle... Haynes sait même mettre volontairement en veilleuse sa virtuosité plastique quand il s'agit d'imiter la photo plate et sans charme de Renaldo and Clara, la seule réalisation de Dylan, très autobiographique, très mégalo et réduite de deux bonnes heures sur la table de montage. Le paradoxe, c'est que ces films, dont la valeur intrinsèque est tout de même discutable (Masked and anonymous n'est pas loin du nanar, personne ou presque n'a vu Renaldo and Clara et Hearts of fire, fiction de Richard Marquand passée inaperçue à sa sortie), prennent de l'intérêt quand on les regarde en miroir avec le portrait fantasmé qu'est I'm not there. Et vice-versa, tant le film souffre de son manque de mode d'emploi ! Pour ceux qui ne voudront pas tenter l'expérience du kaléidoscope inégal proposé pendant ce week-end, signalons qu'il y a quand même deux chefs-d'œuvre dans le lot, visibles que l'on soit dylanien ou pas : Don't look back, documentaire musical exemplaire, et surtout Pat Garrett and Billy the Kid de Peckinpah, qui est juste un des plus grands westerns de tous les temps !Week-end Bob Dylan
À l'Institut Lumière
Vendredi 30 novembre, samedi 1er et dimanche 2 décembre 2007


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