La poésie dans la rue


Expo / Les dispositifs vidéo très astucieux de Bertrand Gadenne (né en 1951 dans l'Aube) surprennent, déroutent, inquiètent parfois, amusent souvent… Au beau milieu des villes, ses rats, serpents, chouettes ou hiboux démesurés, surgissent inopinément de vitrines, de façades ou d'autres surfaces permettant la projection. Autant d'oxymores poétiques où la nature fraye avec l'urbain, d'happenings visuels surréalistes perturbant subtilement nos perceptions habituelles de badauds. À la galerie Domi Nostrae, l'artiste présente en intérieur une exposition superbe. Plongée dans la pénombre, la galerie-appartement fourmille de surprises optiques et d'apparitions étranges. Une jeune fille et un jeune garçon semblent traverser une cloison, dans une esthétique très «Lynchienne» (on pense à Magritte aussi) où le corps-image déjoue les règles de l'espace physique et devient capable de franchir miroirs et ténèbres. Une autre jeune fille tient une bougie allumée, à l'intérieur du cadre d'une télévision, évoquant les tableaux de Latour. Au fond de l'appartement, un gros rat blanc est enfermé dans une pièce et vient de temps à autre buter du museau sur une porte-écran. Gadenne renoue ainsi avec la lanterne magique, déplace la frontière entre le réel et l'imaginaire, réactive les croyances de l'enfance, ses émerveillements comme ses petites peurs et phobies. Du 8 au 29 décembre, de nuit, on pourra voir aussi à l'angle du cours de la Liberté et de la rue de la Part-Dieu, un majestueux hibou grand-duc observant de sa fenêtre le passage frénétique des voitures et des piétons... Échappées des tableaux ou des salles obscures, les images prennent avec Gadenne leur liberté, postulent au statut de réalité, et revendiquent une vie plus poétique. Jean-Emmanuel Denave Bertrand Gadenne, La Chambre aux imagesÀ la galerie Domi NostraeJusqu'au 29 décembre 2007


<< article précédent
Jeune toi-même