Meurtre dans un jardin secret


Critique / Pete Doherty disait il y a quelques semaines dans Libération que Shotter's Nation était son album le plus cohérent. Il faut dire que le «Shotter» du titre c'est John Shotter, un sociologue américain qui a écrit : «dans le monde moderne, c'est la représentation médiatique d'un homme qui est à l'origine des actes que cet homme accomplit (afin de devenir sa propre représentation)». On est effectivement en plein dedans avec cet album où Doherty décortique ses mésaventures (avec Kate Moss notamment) et qui après l'embellie de The Blinding Ep, succédant au très bof Down in Albion, déçoit quelque peu. Sauf qu'avec Doherty, on serait presque déçu de ne pas être déçu. Déçu parce qu'on sait ce dont l'animal est capable quand il nous comble avec des morceaux comme Carry On Up The Morning (sur la difficulté de se lever et de s'élever) et Delivery avant de partir faire un tour en laissant tourner les amplis. Peut-être parce que se reposant sur ses acquis d'ancien étudiant brillant (si, si), il se contente trop souvent de montrer qu'il connaît ses classiques, et même qu'il les connaît trop bien : There she goes, son titre chipé aux La's et sa basse jazzy au Lovecats de The Cure, Delivery clonant le riff d'All Day and all of the night des Kinks (très présents tout au long de l'album), French Dog Blues, écrit avec Ian Brown, qui recycle au passage quelques vers du fort à propos Deep Pile Dream de l'ex-Stone Roses. «Ne vous contentez pas d'aligner les citations», dirait un prof de philo. Comme souvent chez Doherty, avalanche de biens mal agencés finit par nuire : trop de redondances, trop de morceaux mais, et ce n'est pas rien, une sortie de seigneur : The Lost Art Of Murder où Bert Jansch, légendaire guitariste folk invité à arpéger, croise Thomas de Quincey (De l'Assassinat Considéré comme un des beaux-arts). Délicieuse petite mort sentimentale chargée de clore l'album sur un thème que Doherty connaît bien. À force de se tirer des balles dans le pied... SD« Shotter's Nation » (Parlophone/EMI)


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So British