Fink Folk

Musique / Rangé des platines, l'ex-Dj Fink parcourt désormais les routes une guitare à la main et le folk à la bouche. Pour un résultat aux antipodes du catalogue de son label Ninja Tune, qui ne pouvait atterrir qu'à Épicerie Moderne, temple du folk le temps d'une soirée immanquable. Stéphane Duchêne


Faut-il que tout soit devenu à ce point possible : un folkeux chez Ninja Tune, c'est, disons, comme un socialiste en Sarkozie ou PPDA faisant du trapèze (regarder TF1 le samedi soir peut être une expérience aux frontières de la perception) ; c'est saugrenu, impossible, inutile. C'est pourtant bien sur ce mythique label électro que Fink est assigné de son plein gré à résidence. Rien de bien extraordinaire (quoi de plus extraordinaire que PPDA faisant du trapèze ?) quand on sait que le Britannique est une figure bien connue de l'électro ayant longtemps officié comme Dj. Mais il y a deux ans, peut-être fatigué du grand cirque électro, Fink a décidé, comme dans une célèbre chanson des Smiths, Panic, de «pendre le Dj» qui était en lui et d'empoigner une guitare. Une guitare en bois, sans système de branchement artificiel, juste du bois d'arbre et des ficelles en tripes de chat. Volonté opportuniste de prendre en marche le train du «retour du folk» ? On pencherait davantage pour la thèse du repli, désir de retour à des mélodies grattées à même le nerf dans la solitude d'une chambre d'hôtel. Le dernier film de Sean Penn, Into the wild, ne dit pas autre chose : à force de voir dans quoi se jette la rivière, et à quelle vitesse, on est parfois tenté, avec toute la risible et tragique naïveté que cela implique, de revenir à la source.Sang d'encreManière de prendre de la distance et du temps, comme le souligne le titre de son dernier album, Distance and Time. Car si sur Biscuits for Breakfast, premier disque né de ce virage serré, subsistait quelques réminiscences électroniques, elles étaient surtout la marque d'un éloignement. Ici, tout au long de ballades sombres et sèches, au bord de l'explosion, la poussière qu'on mord remplace définitivement les paillettes, et le sang d'encre les energy drink. Heureusement, la mélancolie sait se faire aussi séduisante que les hymnes bpm : ainsi du beau mais déprimant This is the thing, l'une des perles noires de l'album, choisi pour sa campagne de pub télévisée anglaise par Mastercard qui a dû sentir que, dans le contexte actuel, la promesse du bonheur à crédit ne pouvait rêver plus bel apprêt qu'un linceul. Cela devrait valoir à Fink un destin semblable à celui du Suédois José Gonzalez qui avait, avec succès, vendu à un marchand de rêves technologiques l'une de ses ballades sous respirateur née de l'électro (Heartbeats, reprise du groupe The Knife). À noter en bonus de Fink, la présence à l'Épicerie Moderne de deux pépites folk françaises : les excellents Thousand & Bramier et le drômois H-Burns qui nous promet pour mars un album de haute volée dont on reparlera. FINK + H-BURNS + THOUSAND & BRAMIERÀ l'Epicerie Moderne, mardi 5 février«Distance and Time» Ninja Tune


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Tim Story