John Rambo


Critique / «Vivre pour rien, mourir pour quelque chose...» Quand John Rambo prononce cette phrase, il tient en joue avec son arc un mercenaire hésitant à porter secours aux humanitaires chrétiens retenus en otage par des tortionnaires birmans. Rambo ajoute : «You call it» (Fais ton choix)... Ce moment-clé de John Rambo rappelle instantanément un autre personnage vu récemment sur les écrans : celui de Javier Bardem dans No country for old men. Chez les Coen comme pour Stallone, il s'agit de montrer le chaos du monde, sa violence, son absurdité et l'incapacité de l'homme à y changer quoi que ce soit. Et, dans les deux cas, les mythologies déployées sont tellement fortes qu'elles peuvent s'épanouir dans une forme d'épure cinématographique. Les plans de rizière sanglantes de John Rambo valent le désert-tombeau de No country for old men, et le dénouement (magnifique !) est tout aussi suspendu, incertain, mélancolique. La différence, car il y en a une, entre ces deux films impressionnants, c'est que Stallone a une revanche à prendre en tant que cinéaste, en tant qu'acteur et en tant qu'homme. Le cinéaste s'avère particulièrement doué : le film est un modèle de cinéma d'action à l'ancienne, d'une sauvagerie rarement égalée, mais aussi d'une tension imparable. L'acteur, lui, offre son corps et son visage granitiques à ce personnage confronté à sa vérité profonde : un tueur ne trouvant plus aucune justification à sa soif de violence, un Colonel Kurtz solitaire fuyant ses démons intérieurs. Mais c'est surtout ce que le film dit d'un Stallone en perpétuel repentir vis-à-vis de ses échecs passés qui passionne. Ce John Rambo loin du monde, incapable de communiquer avec ses semblables, ne s'exprimant que par le sang et les armes, semble déjà de l'autre côté, contemplant le néant de sa vie en s'en excusant, laissant ainsi une petite porte ouverte à une lueur d'espoir. Ici, comme dans Rocky Balboa, on peut ricaner de la naïveté de certains dialogues ; mais la sincérité absolue de Stallone et sa manière de nous envoyer en enfer forcent vraiment un authentique et profond respect. CC

John Rambo
de et avec Sylvester Stallone (ÉU, 1h30) avec Julie Benz, Paul Schulze...


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