Le temps des Charlatans

Musique / Survivants de Madchester, les Charlatans c'était mieux avant, les jeunes aiment pour de mauvaises raisons, et pourtant c'est (quasiment) immanquable. Nostalgie programmée au Kao. Stéphane Duchêne


Les mamies et Alain Finkielkraut ont raison : l'enfant gâté du XXIe siècle ne respecte plus rien. Voyez comment les petits lyonnais Music is Not Fun annoncent dans un communiqué de presse leur passage «le samedi 9 février en première partie de The Charlatans mythique groupe de Brit Rock anglais : les potes de Oasis !». Potes d'Oasis, voilà une amitié bien encombrante. Pas très sympa pour les Charlatans quand on sait où est tombé Oasis, potes de Tony Blair, qui, comme le Premier ministre britannique ont autant déçu (trahi ?) qu'ils n'ont suscité d'espoir. Pourquoi pas les potes de Status Quo, groupe chouchou du prince Charles, tant qu'on y est ? Bien sûr, quand les Charlatans sont arrivés aux affaires (1990), les Music is Not Fun n'étaient même pas en âge de biberonner de l'Oasis (le pote de Carlos). Sous les coups de boutoirs défoncés des Happy Mondays et les envolées psyché-pop des Stone Roses, l'Angleterre de Ken Loach se révoltait alors dans le groove prolétaire de Manchester (le film 24 Hours Party People explique ça de manière très confuse, ce qui est sans doute la meilleure façon de l'expliquer). Les Charlatans et quelques seconds couteaux de qualité (James, Inspiral Carpets) contribuaient à assouplir pas mal de hanches dans l'ombre des géants. Mais Manchester devenue «Madchester», capitale zinzin du rock dézingué, où tout était permis, même de pondre presque par hasard un tube gigantesque : The Only One I Know, méchante machine à groove incantatoire, réverbérée comme un lieu saint, dont l'orgue Hammond damné parvenait à changer la chapelle Sixtine en chapelle Sixties. Choc générationnelLes hommes du chanteur Tim Burgess ne s'en remirent jamais mais en tirèrent une solide carrière entre le baggy sound des débuts et une rentrée dans le rang brit-pop moins enthousiasmante. Plus affriolante, la carrière solo de Tim Burgess, entre caméos (chez les Chemical Brothers notamment) et un album remarquable en 2003, I Believe, qui le vit délaisser les brouillards britanniques pour l'Ouest Américain et des mélodies ensoleillées de soul. Pourtant entre 2006 et 2008, les Charlatans auront sorti, albums studios, lives et compilations confondus, pas moins de six disques. Preuves accumulées d'une réputation demeurée intacte et commercialisable, que la nostalgie sauve du manque d'inspiration. Car il reste les tubes de toujours, le charisme de Burgess et le poids historique d'un groupe survivant de Madchester (les Stone Roses sont morts, les Happy Mondays morts-vivants). Ce concert sera d'ailleurs le théâtre d'un choc générationnel : trentenaires flous en quête de jouvence («après The Only One I Know on file se coucher») et teenageuses poppy-chic (les potes de Music is Not Fun) idolâtrant d'office tout ce qui porte des Adidas vintage, communieront dans un même élan. Tous potes d'Oasis, lol !THE CHARLATANS + MUSIC IS NOT FUNAu Ninkasi Kao, le samedi 9 février


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