Paris

De Cédric Klapisch (Fr, 2h10) avec Romain Duris, Juliette Binoche, Fabrice Luchini...


Paris surprend de la part d'un Cédric Klapisch revenant de loin, c'est-à-dire des horribles Poupées russes.
Dès les premières images, on sent pourtant que quelque chose a changé : à commencer par Romain Duris, qu'on découvre en danseur du Lido atteint d'un mal cardiaque qui risque de lui être fatal.Adieu l'ado attardé, place à l'homme rattrapé par l'angoisse de la mort. La lumière crépusculaire, les cadres soignés, les mouvements de caméra caressants : Klapisch a lui aussi décidé de grandir, et ce vaste film choral où une vingtaine de personnages vit tant bien que mal dans le Paris d'aujourd'hui étonne par l'empathie qui s'en dégage.

C'est d'ailleurs comme si Klapisch s'était surpris lui-même : il passe une bonne première partie de film à justifier son concept, à le légitimer dans les dialogues des personnages. Duris qui voit dans les fenêtres parisiennes autant de petites histoires à explorer, Luchini qui disserte sur Paris comme un assemblage d'archaïsme et de modernité, un Sénégalais qu'une bourgeoise en vacances invite par réflexe mondain à l'appeler quand il viendra à Paris... Oui, le film ne s'attache qu'à des petites intrigues et des destins moyens ; oui, Luchini le prof vieillissant s'éprend de sa jeune et jolie étudiante (Mélanie Laurent) ; et oui, le film va explorer une lutte des classes et des sexes très contemporaine.

Que du déjà-vu, même chez Klapisch. Mais Paris est un film remarquablement écrit et magistralement interprété (surtout par des acteurs qu'on n'avait pas vus aussi bons depuis longtemps, Binoche et Dupontel en tête), qui ne cherche pas à forcer les destins ni à les réunir artificiellement (le travers Lelouch-Iñarritu est miraculeusement évité). Car Klapisch ne cherche plus à forger des stéréotypes sur lesquels il déverse ensuite ses sarcasmes. Il se met à la hauteur des gens qu'il filme, et son ironie n'est pas celle d'un metteur en scène omniscient distribuant les bons et les mauvais points ; elle se transforme en fatalisme résigné et mélancolique. Même quand le film devient cruel, même quand il pose l'incapacité des êtres à sortir de leur cercle social, il le fait avec un humanisme évident, une compassion réelle et un vrai talent de conteur. Étonnant, donc.

Christophe Chabert


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