Pourquoi Poussin ?


Point de vue / Nous sommes en 2008 et Astérix aux J.O. vient de sortir sur les écrans, pourquoi diable alors s'intéresser au classicisme du XVIIe siècle et à Poussin en particulier ? Sans doute déjà pour résister un peu à la bêtise, tant la moindre composition du peintre comporte d'intelligence, de précision, de raison et de lyrisme contenu. «Je n'ai rien négligé», disait Poussin à ses amis, et ses toiles sont autant de «symphonies abstraites» essayant de donner sens et forme au monde, à son chaos comme à sa beauté. «Le massacre aussi bien que l'amour est un prétexte à glorifier la forme dont la splendeur calme apparaît seulement à ceux qui ont pénétré l'indifférence de la nature devant le massacre et l'amour», écrit Elie Faure. Comme Racine ou Corneille, Poussin met en scène un théâtre de la raison et de la forme affrontées à la déraison et au désordre des passions, des pulsions, du meurtre, de l'horreur… L'une des questions fondamentales qui sous-tend sa peinture est la question de la «fortune», c'est-à-dire du hasard régissant (ou non) la destinée humaine, question philosophique toujours d'actualité ! S'intéresser à Poussin c'est aussi découvrir une œuvre plus complexe et paradoxale qu'on ne le pense : à la fois savante et érotique, religieuse et agnostique, abstraite et poétique, intellectuelle et émouvante… Poussin est encore et surtout le grand génie du dispositif de la «représentation» permettant non seulement de rendre sensible sur une surface plane la profondeur de l'espace, mais aussi de condenser différentes strates de temps, différents épisodes d'un même récit, différentes lignes de fuite du sens. Le philosophe Louis Marin a écrit à ce propos deux livres superbes : Détruire la peinture et Sublime Poussin. Dans ce dernier recueil, on trouvera par exemple une description et une lecture du Paysage avec un homme tué par un serpent de Poussin, sans doute l'une des plus belles et puissantes analyses de tableau de l'histoire de l'art, et une introduction conseillée à la complexité et à la richesse des œuvres de Poussin. JED


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Poussin sort de sa coquille