Bug

William Friedkin Metropolitan


Le grand William Friedkin est de retour. Il s'empare pour l'occasion d'un matériau théâtral remarquable de Tracy Letts, et nous compte l'incontrôlable montée paranoïaque d'un couple dans l'intimité destructrice d'une chambre de motel. Réflexion ouverte sur les tenants et aboutissants du conspirationnisme, pure œuvre sensorielle jouant sur la corde du malaise avec brio, Friedkin nous confirme qu'il est un immense réalisateur et un excellent directeur d'acteurs (Ashley Judd s'y révèle époustouflante, et Michael Shannon, comédien de la pièce originale, livre une performance mémorable). Et pour une fois qu'un bon film passé malheureusement inaperçu bénéficie d'une édition DVD digne de ce nom, on ne peut que saluer l'initiative. Les interviews du réalisateur (près d'une heure en tout) justifient quasiment à elles seules l'achat du DVD : Friedkin revient dans un premier temps sur sa carrière, avec une sincérité ironique qui tranche violemment avec le propos promotionnel traditionnellement en vigueur. Et dans l'entretien consacré au film, le cinéaste expose avec talent ses visions de l'Amérique, de l'industrie cinématographique, de leurs mutations aliénantes. Si les opinions politiques du bonhomme sont toujours aussi floues (on sent qu'il n'aime rien tant que semer le doute, pour inciter le spectateur à réfléchir par lui-même – ce qui est carrément louable), ses multiples assertions tétanisent par leur froide logique. Ce regard aiguisé de l'artiste, notamment sur l'inanité culturelle dans laquelle s'enferment les civilisations, manque cependant à l'appel sur un commentaire audio plus linéaire. FC


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La Commune (Paris 1871)