Amant virtuel


Rencontre / La rencontre avec le compositeur contemporain Peter Eötvös fascine à plus d'un titre. Lorsque certains pensent que l'opéra est d'un autre âge, il sait démontrer que cette forme se porte bien et reste un espace de grande liberté créatrice. Il revient à Lyon non seulement en remarquable compositeur mais aussi en chef d'orchestre attentif au moindre déséquilibre, en amoureux sans fin de genres musicaux variés.
Dix ans après Les Trois Sœurs, ses références explicites au Japon et à son théâtre Nô, Peter Eötvös revient avec un opéra d'une troublante beauté.
Depuis son premier voyage en 1970, il est resté intrigué par la culture du Japon médiéval qui a su résister au temps. Même au XXIe siècle, le XIe perdure à travers les jardins, les temples, les comportements et le cérémonial ancré dans le quotidien.
Peter Eötvös compose Lady Sarashina d'après des bribes du journal de cette poétesse reconnue à la cour impériale au XIe siècle. Il parle d'elle au présent à la façon d'un amant virtuel qui regarde une intouchable maîtresse. Il parle d'elle comme s'il était envoûté par la personnalité complexe de cette femme raffinée «d'un côté naïve, d'un côté pleine de complexité et de comportements contradictoires, Lady Sarashina est une femme attirante».
Il a composé pour sa Sarashina un écrin musical en neuf tableaux. Trois mouvements pour les monologues de Sarashina incarnée par Mireille Delunsch, les autres tableaux pour les autres personnages, pour le rêve comme pour l'ombre.
Comme pour chacune de ses compositions, c'est le texte qui inspire l'univers musical. Pour passer du rêve à la réalité, Eötvös a trouvé une astuce aussi intéressante que poétique : il demande aux chanteurs de prendre un micro pour évoquer le rêve. Pas révolutionnaire mais terriblement efficace, les trois chanteurs chuchotent et tout à coup l'espace se transforme.
L'orchestre, lui, n'est pas amplifié, les quarante instrumentistes sont dans la fosse et trois clarinettes dans la salle… Effet d'échos, on rêve encore.


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