Le Scaphandre et le papillon

JULIAN SCHNABEL (Pathé Fox Europa)


Dans un réflexe bêtement franco-français, une majeure partie de la critique d'ici a choisi de jouer à leur sortie (cannoise) Les Chansons d'amour contre Le Scaphandre et le papillon, provoquant ainsi un stupide match nul commercial. Depuis, à coups de récompenses (dont la dernière, méritée, est le césar attribué à Mathieu Amalric), le très beau film de Julian Schnabel a largement rattrapé son handicap, et la sortie du DVD devrait enfoncer le clou. Car cette adaptation courageuse du livre autobiographique de Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef à Elle condamné au locked-in syndrom suite à un accident vasculaire, est une étonnante déclaration d'amour au… cinéma ! L'image fixe initiale — la paupière de Bauby, seul membre non paralysé et donc unique moyen de communication avec l'extérieur — est un cadrage contraint animé par une voix-off fantomatique. Puis le film va chercher, comme son personnage, à bousculer ce statisme en creusant de tous les côtés du temps. Retours en arrière sur la vie «d'avant», évasion vers les images fantastiques d'un futur lointain et inaccessible, quête d'infini dans les yeux des infirmières, toutes plus belles les unes que les autres… Les mots de Bauby deviennent des visions pour Schnabel, mais tous deux ont le même désir de faire exploser la dimension imposée par la situation du narrateur. C'est évidemment bouleversant mais aussi, de façon plus inattendue, drôle et léger, comme savait l'être Bauby lui-même, dandy hédoniste au destin tragique.CC


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