«L'amour de la ligne»

Propos / Thierry Raspail, directeur du Musée d'art contemporain de Lyon ; Gianni Mercurio, commissaire de l'exposition Keith Haring. Propos recueillis par JED


Exposition de rattrapage
Thierry Raspail : Les musées s'intéressent à Keith Haring aujourd'hui seulement, car nous n'avons pas su le voir quand il a «explosé». Dans les années 1980, il a été acheté par des collectionneurs privés mais pas ou peu par les musées.
C'est l'époque du grand retour de la peinture aux États-Unis, en Italie et en Allemagne, mais Keith Haring paraît alors un peu simpliste et plat par rapport à ses alter ego.
On ne perçoit pas la part de performance de son œuvre : un travail sans préparation ni gommage, un travail dans l'instant et improvisé, où tout se joue autour de la question du geste, de l'amour de la ligne, d'une ligne infinie pouvant s'incarner sur tous les supports imaginables.L'art pour tous
Gianni Mercurio :Keith Haring a réussi en dix ans à réaliser son projet : être un médium entre l'art et le monde. Il visait un art universel, à la fois tout public et tout support.
Pour cela, il a établi une sorte de code de communication avec des signes et des symboles provenant de ses rêves ou de l'inconscient collectif ; et la majorité de ses œuvres n'ont pas de titre, restant ainsi ouvertes à toutes les interprétations possibles.T.R. :
On pourrait résumer l'ensemble de l'exposition par cette phrase de Lautréamont : la poésie n'est pas écrite par les poètes mais par tout le monde.L'accrochage
G.M. :
Hormis au début et à la fin, l'exposition n'est pas chronologique et, d'ailleurs, il n'y a pas de progression linéaire dans la «carrière» de Keith Haring. On commence avec les dessins montrant son grand intérêt pour l'art informel, Alechinsky ou le graffiti (Keith Haring est par ailleurs très influencé par Matisse, Léger, Picasso, les arts primitifs, la BD, le zen et la calligraphie japonaise).
On passe ensuite à la peinture avec un rejet de la toile considérée comme trop traditionnelle et l'utilisation d'autres supports comme le PVC, par exemple. Mais dans les dessins dans le métro comme dans la peinture monumentale, ce qui prime chez Haring c'est la notion de geste et de performance, plus que le résultat esthétique proprement dit.
La peinture de Keith Haring c'est 50% de performance et 50% de poésie.


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