Rollin Faux rêveur


Hommage / Chaque pays a son grand mauvais cinéaste. En Espagne, c'est Jesus Franco ; en Italie, l'exceptionnel Bruno Mattei ; aux États-Unis, le mythique Ed Wood ; en France, il s'appelle Jean Rollin. Ses films, trésors inestimables pour les cinéphiles déviants, sont fabriqués depuis trente ans avec trois sous, et une connaissance plus maigre encore de la mise en scène.
Ils sont tournés dans des villages paumés ou sur un bout de plage normande, truffés de dialogues imbitables et incompréhensibles récités par des acteurs mauvais comme des cochons. Les femmes s'y dénudent pour un oui mais surtout pour un non, l'imaginaire n'y est jamais exotique mais toujours banal, les intrigues recyclent les clichés les plus éculés de l'histoire du fantastique...
Son film emblématique reste Le Lac des morts-vivants, où des zombies mal peints à la gouache verte sortent d'une mare au canard pour aller trucider des paysans échappés d'un film de Pagnol !
Depuis la sortie (au CNP Terreaux !) de La Fiancée de Dracula, on n'avait plus de nouvelles de Jean Rollin ; et le voilà invité de L'Étrange festival, avec qui plus est un nouveau film sous le coude.
Et là, choc ! La Nuit des horloges est le testament avoué d'un artisan mettant subitement toute son œuvre en perspective, le révélant sur le tard comme un grand auteur de films nuls. Tourné en vidéo entre sa propre maison, le cimetière du Père Lachaise et une voie de chemin de fer désaffectée, La Nuit des horloges se déroule après la mort d'un cinéaste, Michel Jean, dont l'œuvre prend vie sous les yeux de sa très belle cousine (la porno star Ovidie).
Ces fantômes du passé deviennent alors les exégètes du cinéma de Jean Rollin, qui insère régulièrement des images de ses films précédents, flashs ésotériques qui prouvent en effet la cohérence de son œuvre ! Toutes proportions gardées, La Nuit des horloges est à Jean Rollin ce que L'Antre de la folie était à John Carpenter. Toutes proportions gardées, car le film, comme tous les autres du cinéaste, est cheap, lent, décousu, plat, gratuit et joué avec les pieds.
Mais La Nuit des Horloges est un cas rare, fragile et émouvant, d'autoportrait intellectuel et filmé, un film-musée qui se tient entre docu pour arte et nanar Z tourné par des amateurs, entre Jean-Claude Brisseau et Jean-Claude Van Damme.La Nuit des Horloges. De Jean Rollin. Dimanche 30 mars à 20h


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