Le polar tisse sa toile


D'éditions en éditions, le cinéma prend une place centrale dans le festival Quais du Polar. Cette année, difficile d'y échapper tant la programmation se décline sur plusieurs axes et plusieurs lieux, avec des événements franchement originaux. Ainsi de la venue du génial Jean-Pierre Mocky qui dévoilera les deux premiers courts tirés de sa collection télé «Mister Mocky présente…» ; ou encore la projection de deux inédits espagnols, dont le très bon Sombras en una batalla de Mario Camus, au CNP Terreaux. Mais le meilleur est à chercher du côté de l'Institut Lumière et de la carte blanche donnée à l'écrivain et scénariste Tonino Benacquista au CNP Odéon. À l'Institut d'abord, dans la foulée du cycle Johnnie To (avec The Mission en guise de —beau — trait d'union), c'est une vague de polars asiatiques qui animera le week-end. Venu de Hong Kong, on redécouvrira celui qui a joué les pionniers sur les écrans français, le mal compris à l'époque Gun Men de Kirk Wong, mais aussi deux films récents : l'ingénieux Infernal Affairs d'Andrew Lau et Alan Mak, qui fit l'objet d'un remake cent fois supérieur par Martin Scorsese avec Les Infiltrés (l'honnêteté oblige à dire qu'il y a débat depuis plus d'un an au sein de la rédaction sur ce point). Et surtout Time and tide, véritable chef-d'œuvre de Tsui Hark qui redéfinit tous les standards du genre par son sens du spectacle permanent, sa violence hallucinée et ses envolées (au propre comme au figuré) défiant la pesanteur ! Si Hong Kong est un bastion du polar, la Corée du Sud a montré qu'elle savait y faire aussi : la preuve avec A bittersweet life, film noir chorégraphique, romantique et désespéré de Kim Jee-Woon et l'extraordinaire Memories of murder, où la traque avortée d'un serial killer se transforme en grand film politique bourré d'humour noir et de séquences époustouflantes. Son réalisateur, Bong Joon-Ho, a depuis réalisé l'immense The Host, qu'on n'encensera jamais assez dans ces colonnes… Quant à Benacquista, il a fait son choix parmi les meilleurs polars français des quarante dernières années : de Truffaut (La Mariée était en noir) à Miller (Mortelle randonnée, écrit par Audiard père et fils) en passant par Melville (Le Cercle rouge) et Heynemann (Les Mois d'avril sont meurtriers, très bonne adaptation de Robin Cook), sans oublier lui-même, en tandem avec Jacques Audiard pour l'excellent Sur mes lèvres. Un programme parfait pour oublier les errements hexagonaux contemporains du genre ! Christophe Chabert


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