Klute

ALAN J. PAKULA Aquarelle/Seven 7


Années 70, encore et toujours... C'est inépuisable au point d'en être déprimant : comme si tourner de grands films, à cette époque, était aussi simple que de sortir dans la rue, acheter un hot-dog, draguer une fille dans la rue... Klute, donc, est le très grand film d'un cinéaste qui ne fit que cela pendant dix ans (et après, plus grand chose hélas !). C'est, superficiellement, un polar parano où un homme marié et volatilisé depuis six mois est recherché par un apprenti privé introverti nommé John Klute (Donald Sutherland, magnétique). Il pense retrouver sa trace auprès d'une escort girl (Jane Fonda, affolante de sensualité), mais c'est surtout lui-même qu'il va finir par trouver.
De fait, Klute est l'histoire d'un homme bloqué dans la décennie précédente et soudain au contact d'une réalité nouvelle où ses valeurs rigides sont secouées de toute part.
Pakula, comme Coppola dans Conversation secrète, utilise le prétexte pourtant visionnaire des écoutes téléphoniques comme une métaphore de leurs personnages : ils jouissent par procuration et devront, à la faveur d'un incident imprévu, tomber la cravate et se frotter à des mondes qui les fascinent et les repoussent en même temps. Poussant très loin l'abstraction visuelle et les climats blafards, le cinéaste sait aussi aller dans la direction inverse, le temps par exemple de cette scène incroyable où le parrain balafré et phallocrate des nuits new-yorkaises (le regretté Roy Scheider) expose fièrement son harem face à un Klute dégoûté et impuissant. Magistral !CC


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L'Ange de la vengeance