Babel tour

Événement / Pendant quatre jours, les Subsistances proposent moult créations et petites performances autour du thème «Ça Tchatche !» : cirque, danse et théâtre y parleront des langues aussi déliées qu'hétérogènes. Jean-Emmanuel Denave


Les Subsistances donnent à nouveau leur langue au «Ça ». Quatre soirées de créations bien remplies (11 au total) seront consacrées à la thématique «Ça Tchatche !», après les week-ends «Ça Tranche !», «Ça Change !», «Ça Monstre !»... Un claquement de langue digne du «parlêtre» lacanien qui, a priori, n'est pas pour nous déplaire en ces temps de vacuité politique des discours réduits à l'affectif (la peur ou le contenu juvénile d'un succès des Beatles : «Love, love me do, you know I love you...»).Soupir de soulagement donc : les artistes reviennent aux langues, à la parole, au langage, pour ne pas dire à l'essentiel bla-bla.
Mais curieusement, bon nombre d'entre eux ont choisi de répondre au cahier des charges des Subsistances par un retour à leurs racines, à leurs souvenirs d'enfance, à leur langue maternelle ou autre idiome !
Angélique Clairand incarnera par exemple, dans Le Pansage de la langue, un cocasse professeur de patois vendéen (sa langue maternelle dit-elle) cherchant à sauver son dialecte et à réveiller les zones ancestrales de nos corps via un soupçon de tantrisme.
Joachim Latarjet et Alexandra Fleischer mettront en scène et en musique l'histoire du père d'Alexandra, enfant juif allemand caché dans une famille, et qui a refusé tout net de parler Allemand après la guerre.
Stille Nacht s'annonce aussi comme la narration décalée de l'horreur nazie à travers l'imaginaire d'un gosse séparé de ses parents...Rodolphe Burger en Turakie
Le Turak de Michel Laubu, bien embêté de «répondre à un projet autour des langues et des langages quand on pratique un théâtre presque muet qui repose sur des images...», a opté lui-aussi pour un retour au Bled (à la fois livre de grammaire et village natal) et aux patois de la Moselle.
Ses petites marionnettes et objets poétiques seront pour cela accompagnés de la musique et de la présence de Rodolphe Burger, membre fondateur de Kat Onoma et inoxydable bluesman de la scène française. Une collaboration inattendue et prometteuse...
A rebours des régressions vernaculaires, le chorégraphe burkinabais Serge Aimé Coulibaly et la danseuse indienne Kalpana Raghuraman tentent de dialoguer au-delà des langues à travers le corps, le chant et la musique. Leur spectacle J'ai perdu mon français explore l'aliénation et l'assujettissement propres à chaque langue et à chaque culture. Un petit rappel utile en ces temps de replis identitaires...
Autre proposition alléchante : celle de la bien nommée Cie du Singe Debout avec C.Q.P.V.D. ou Ce Que Parler Veut Dire ?. Ou comment tisser des liens par le cirque et le théâtre entre trois drôles de personnages esseulés : un athlète hypocondriaque obsédé par son physique ; un «performeur mental» tout en distance avec lui-même, inspiré du livre d'Edouard Levé Autoportrait ; et un troisième larron qui rejette tout langage pour n'émettre que des sons à tonalité organique ! Week-end «Ça tchatche !». Les 3, 4, 5, 6 avril aux Subsistances


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