Travailler plus pour mourir mieux

Théâtre / Depuis quelques temps, le travail en prend pour son grade sur les planches. Au Théâtre de l'Iris, c'est la Compagnie Imaginoir Théâtre qui nous livre sa vision du monde merveilleux de l'entreprise. Dorotée Aznar


Nous sommes dans une entreprise sans nom. Des employés passent leurs journées et leurs nuits à tamponner des montagnes de documents, pendant que d'autres les vérifient et corrigent les erreurs. Pour être un bon employé, pour améliorer sa «courbe de rentabilité», il faut tamponner sans relâche, sous la surveillance d'une chef d'équipe à qui revient le pouvoir en l'absence du patron, trop important pour user le cuir de son fauteuil. Les rapports entre les employés sont clairement définis, on trouve les anciens, le râleur-révolutionnaire, celles qui passent leur temps «le cul en l'air» à discuter avec leur voisine, en tentant de refiler en douce leur boulot aux autres. Mais l'arrivée de Pierre va bouleverser la vie de l'entreprise. Pierre a connu le chômage, il travaille vite et ne s'intéresse pas à la vie privée des autres salariés.
Alors que sa courbe de rentabilité atteint des sommets et que les charmes d'une tamponneuse le laissent étrangement indifférent, les membres de l'entreprise meurent les uns après les autres et ne sont pas remplacés. Qui cherche à avoir la peau du personnel, Pierre trop gentil pour être honnête avec sa tête de bon élève, la chef d'équipe ou simplement l'absurdité de ce travail ? Pousse-toi de là que je m'y mette
Si le texte de Claude Monteil et Cyril Tournier n'est pas du genre à vous donner envie de vous lever le lundi matin, les auteurs ont évité de tomber dans l'illustration caricaturale et jettent un regard drôle et acide sur les règles que chacun doit intégrer pour «trouver sa place» dans l'entreprise. À cet égard, la mise en scène fait le pari de la sobriété ; collants et cagoules noirs, les comédiens doivent se noyer dans la masse, ils revêtent un uniforme à leur arrivée dans l'entreprise, on le récupère à leur mort.
Pas plus de décors que de costumes, ce sont les comédiens qui occupent l'espace, sans cesse en mouvement comme leurs fonctions l'exigent. La modestie des moyens mis en œuvre n'enlève rien au charme de cette pièce intelligente interprétée avec justesse. Trepalium appuie là où ça fait mal avec un large sourire, bien jaune. Trepalium. De Claude Monteil et Cyril Tournier, ms Cyril Tournier. Jusqu'au 12 avril


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