Surfers d'argent


Le succès est une chose bien volatile. Il y a ceux qui comme Cindy Sander courent après toute leur vie, de quinzaines du cochon en castings téléréalistes, avant de s'apercevoir qu'ils font du surplace sur un tapis roulant, et ceux qui s'en moquent mais le prennent en pleine poire (le succès, pas le tapis roulant). C'est le cas de Nada Surf, qui en 1992 pond un tube parlé-chanté qui dépeint le darwinisme social à l'œuvre dans les cours de lycée et dont le titre porte en lui sa propre prémonition : Popular. À l'époque, les combos power pop poussés sur les ondes des college radios américaines font un mini-tabac. Weezer, The Rentals ou Fountains of Wayne se livrent de redoutables joutes mélodiques avec un empressement digne des ancêtres Buzzcocks ou Big Star, pères du concept power pop, ce sucré-salé de pop bubblegum et d'intensité punk. Mais c'est Popular qui fait un carton mondial insensé. Pour Nada Surf, c'est là que la galère commence. Luttes intestines avec les maisons de disques qui veulent un Popular 2 et soufflé qui retombe au gré d'albums inégaux. Jusqu'à The Weight is a Gift (2005) et son single Blonde on Blonde, où Nada Surf s'affranchit de cette course à l'échalote pour s'assumer enfin. Succès critique et retour de la confiance. Aujourd'hui, Nada Surf, dont les tempes ont grisonné, est l'un des rares survivants, avec Weezer, du mouvement power pop américain. Leur dernier album, Lucky, est l'un de ces grands albums de faux-semblants comme on les aime, apaisé au dehors, terriblement affecté au dedans. Un grand album de pop brute et sophistiquée à la fois, dont aucune des chansons, qui atteignent une maîtrise rarement vue chez le groupe, ne refera le coup de Popular. Ce qui n'a plus la moindre importance.

Stéphane Duchêne

NADA SURF
Au Transbordeur
Samedi 26 janvier
«Lucky» (Barsuk/Polydor)


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