Sortir du bois

Expo / Souvenez-vous. Vous aviez sept ou huit ans et, les dimanches gris, vous assembliez pendant des heures des dizaines de petites planchettes de bois identiques, nommées Kaplas, pour composer de somptueuses et ambitieuses embarcations, tours, cathédrales, ou autres folles bâtisses...


Une fois l'édifice terminé, papa et maman s'étouffaient en «Wouah ! c'est fou ce qu'il (elle) a fait ! Comme il (elle) est doué(e) !». Vous sentiez alors l'orgueil de vos parents gonfler comme une grosse baudruche narcissique et perciez l'abcès d'un grand coup de pied jouissif, réduisant la cathédrale à néant. Petit tas de bois fumant de colère. Et façon de dire aussi bien : na ! je fais ce que je veux, et que tout est éphémère ici-bas, cendre et poussière.
Plus tard vous devenez VRP pour Kapla, grutier, ingénieur des ponts et chaussées ou... artiste ! Comme l'écossais Aeneas Wilder, né en 1967, qui construit, dans les musées ou en plein air, de monumentales structures en modules de bois, aux formes les plus diverses. Une fois l'exposition terminée, l'artiste détruit ses œuvres éphémères, qui ressemblent ainsi à autant de memento mori composés avec un cœur d'enfant.
A la BF15, Aeneas Wilder a érigé une sorte de grande «nef» biscornue de quatre mètres de haut à l'équilibre très précaire, et, dans une autre salle, une imposante sphère en planchettes de bois. Un art minimaliste, passager, métamorphosant l'espace qui lui est affecté et drainant quelques réflexions sur l'architecture... C'est aussi beau qu'absurde, fascinant que primesautier.
Le samedi 31 mai à 18 heures précises, l'artiste détruira d'un geste bref et radical ses œuvres si patiemment et savamment élaborées. Stases (titre de l'exposition) entre deux chaos, nous ne laisserons pas de traces... et alors ?
Jean-Emmanuel Denave
"Stasis" d'Aeneas Wilder - À la BF15 - Jusqu'au 31 mai


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La beauté de l’éphémère