De Broadway à Oullins

Comédie musicale / Jean Lacornerie met en scène pour la première fois en France "Lady in the dark", une comédie musicale qui révolutionna Broadway en… 1941. Pascale Clavel


On sait que les ondes de choc entre les États-Unis et la France sont lentes, lourdes, voire hypocritement inexistantes. Il a donc fallu attendre 2008 et un directeur de théâtre fou de comédies musicales pour entendre un chef-d'œuvre écrit il y a plus de 60 ans ! On connaît le duo Kurt Weill / Bertolt Brecht, leur façon de travailler, l'un compositeur de génie, l'autre dramaturge d'exception. Leur fameux Opéra de quat'sous n'est plus a présenter. On connaît beaucoup moins le trio Kurt Weill / Moss Hart / Ira Gershwin (le grand frère de l'autre…) qui fit exploser les codes de la comédie musicale avec cet objet insolite et inédit Lady in the dark. L'intrigue est d'une modernité troublante : à New York, Liza Elliot, la rédactrice en chef d'un grand magazine de mode, a tout pour être heureuse : amour, succès, fortune. Mais voilà, elle est déprimée et se résout à consulter un analyste célèbre.
Dans le secret de son cabinet comme dans son travail, elle ordonne et résiste. Seuls ses rêves remplis de musiques lui permettent de s'évader. Questions presque prémonitoires : la place de la femme qui, confrontée au pouvoir ne sait qu'adopter les codes masculins, la liberté individuelle, l'enchevêtrement avec soi-même, les zones opaques à éclairer. Jean Lacornerie explique : «on passe de l'intimité la plus troublante du cabinet de l'analyste à l'exubérance généralisée dans les bureaux du magazine et puis tout à coup s'ouvre avec la musique l'espace du rêve et du fantasme». Singing in the dark
Lady in the dark concentre tout ce que Jean Lacornerie adore : ironie teintée d'humour sur les situations comme sur les comportements; équilibre subtil entre théâtre et musique. Comme metteur en scène, il jubile à l'idée même de re-création et il suffit de le voir ajuster deux ou trois situations en répétition pour comprendre ce qui le motive. Pour Jean Lacornerie, la légèreté comme l'élégance sont des impératifs, le glamour prend petit à petit toute la surface du plateau et la magie opère.
En co-production avec l'Opéra de Lyon et l'Opéra de Rennes, Lady in the dark est donné au Théâtre de la Renaissance dans une version française signée Stéphane Laporte – seuls quelques airs ont été conservés en anglais. 21 musiciens de l'opéra dirigés par Scott Stroman seront aux commandes pour les trois grandes séquences musicales.
L'effectif est conséquent, les timbres chauds des cuivres viendront se mêler aux cordes et aux percussions. Au sein de l'orchestre, les mélopées du piano feront ressortir toutes les influences liées au jazz. Cette comédie musicale venue de Broadway est un véritable bijou, à la fois théâtre dramatique et lyrique, œuvre sophistiquée et humoristique : un moment à ne pas rater.
Lady in the dark - Kurt Weill / Ira Gershwin / Moss Hart - Au Théâtre de la Renaissance, à Oullins


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