Le Grand Alibi

de Pascal Bonitzer (Fr, 1h33) avec Miou-Miou, Lambert Wilson, Valeria Bruni Tedeschi, Maurice Bénichou...


Le charme des films de Pascal Bonitzer repose sur la folie douce de ses personnages bloqués dans leurs errements amoureux. Dans son dernier film Le Grand Alibi, adaptation d'un roman d'Agatha Christie, il parvient à tenir le suspense de l'enquête. Ce qui n'est pas rien. Jusqu'au bout, on ne s'ennuie pas, cherchant à connaître l'auteur des deux meurtres, épaulé par le truculent Maurice Bénichou en charge du dossier. Pourtant, le vrai sujet de film, les passions amoureuses, est négligé. Ce qui aurait pu donner un film intense reste un métrage imprécis, notamment lors de la scène de résolution, un rien bâclée. Les premières scènes, pourtant, mettent l'eau à la bouche : échanges cinglants entre des personnages dont on découvre les relations peu saines. Les tons se mélangent : farce noire, vaudeville amoureux teinté de morbide, comédie de mœurs, polar, où est-on ? Un peu dans tout cela. Dans une immense maison bourgeoise perdue dans la campagne parisienne, un sénateur passionné d'armes (Pierre Arditi), et sa femme (étonnante Miou-Miou), épouse manipulatrice sous des apparences d'idiote, reçoivent pour le week-end. Deux jeunes filles, que le spectateur pourrait prendre pour leurs filles semblent vivre dans la maison. Ce petit monde attend Pierre Collier, psychiatre (un Lambert Wilson crédible en séducteur paumé) et sa femme, épouse docile et effacée. Esther, sculpteur (Valeria Bruni Tedeschi), maîtresse favorite de Pierre et vague amie du couple d'hôtes, et une bombe italienne, Léa, apparemment l'amour de jeunesse de Pierre, sont aussi invitées par Eliane. Un jeune écrivain alcoolique et futur enquêteur, Mathieu Demy en clown triste, gravite également dans cette communauté bizarre. Cette fausse famille intrigante trimballant son lot d'angoisses, de dépressions diverses (particulièrement chez les plus jeunes), d'absence d'envie de vivre, de folies douces et surtout de jalousie, va se dissoudre vers un Paris mondain et bohème, après la découverte du corps de Pierre, mort dans la piscine, près de sa femme l'arme à la main, coupable toute désignée...

Séverine Delrieu


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