Teeth

Une jeune chrétienne ayant juré de garder sa virginité pour l'homme de sa vie découvre que son vagin possède une redoutable mâchoire. Déguisée en teen movie acidulé, une satire acide du puritanisme américain signée Mitchell Lichtenstein. Christophe Chabert


Le mauvais esprit se porte bien en Amérique, merci pour lui. Il prolifère d'ailleurs à mesure que le saint-esprit s'abat à coup d'évangélisme illuminé sur la population yankee. Bonne nouvelle illustrée par la sortie de Teeth, un film qui réjouira tous ceux chez qui le coup de batte final de There will be blood n'avait pas eu valeur d'exutoire. On découvre donc Dawn, jeune et jolie adolescente ayant juré fidélité au Seigneur, qui prêche dans les campus la nécessité de garder sa fleur intacte jusqu'au mariage avec son bien-aimé. Mais elle ne peut freiner les effrayantes poussées de sève qui l'attirent physiquement vers un pourtant bien falot étudiant BCBG, l'imaginant lors de rêves masturbatoires en étalon aux pectoraux saillants. Lors d'une promenade près d'une cascade (un geyser inversé ?), ledit étudiant tente de passer à l'acte ; mais au moment de la pénétration, il se voit castrer aussi sec par le vagin de la donzelle. Le teen movie attendu s'éloigne brutalement du rivage nanardeux d'un 40 jours, 40 nuits pour accoster du côté de la provoc ripolinée du John Waters tardif. Déjà, la maladie de la mère et la déglingue du frangin (joué par John Hensley, déjà ado à problèmes dans Nip Tuck), laissaient entrevoir la vraie visée de Mitchell Lichtenstein : un film pop satirique et sardonique qui attaque par-derrière le puritanisme américain ambiant.Guerre des sexesGore, grotesque et rigolo, Teeth est aussi, c'est sa force, subtil et rigoureux. Le vagin denté est un mythe classique et polyculturel qui évoque la peur des hommes de voir leur pénis tranché lors de l'acte sexuel. En en renversant le principe (ici, c'est la femme qui angoisse) puis la finalité (car Dawn va rapidement faire de cette mutation un pouvoir qu'elle retourne contre tous les phallocrates), Lichtenstein croque un monde digne de Catherine Breillat où le sexe est presque toujours une violence, qu'il soit condamné par l'Église ou instrumentalisé par des mâles dominants. Mais jamais le cinéaste ne s'abîme dans un discours surplombant, jouant au contraire à l'écran sur une grande ambiguïté qui attise les attentes les plus perverses du spectateur. L'interprétation de Jess Weixler dans le rôle de Dawn est à ce titre emblématique : aussi à l'aise pour jouer les saintes que les putains, la fille fragile et amoureuse ou la justicière prédatrice, sa prestation rappelle celle d'Anna Faris dans un autre film drôle et déviant de 2008, Smiley Face de Gregg Araki. Tout en contrastes et ruptures de ton, Weixler apporte un mélange d'innocence et de mélancolie qui n'est pas pour rien dans la réussite, mineure mais évidente, de Teeth.Teethde Mitchell Lichtenstein (ÉU, 1h36) avec Jess Weixler, John Hensley…


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