Nés en 68

d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Fr, 2h52) avec Laetitia Casta, Yannick Renier, Yann Tregouët…


Aux États-Unis, on appelle ça un «period movie». Soit un long film où l'on accompagne un groupe de personnages à travers une époque et ses soubresauts (ici, de mai 68 à mai 2007). En général, cela promet du romanesque et une perspective historique. Or, Nés en 68 ne tient absolument aucune de ses promesses-là, et se transforme vite en chemin de croix pour le spectateur. La première partie, où d'anciens soixante-huitards fondent une communauté dans une vieille ferme délabrée du Lot, amène son lot de clichés pittoresques sur le flower power, l'amour libre, les utopies qui tournent mal, le retour de l'individualisme… Après un inexplicable saut temporel qui nous amène directement aux heures noires du SIDA et du deuxième septennat de Mitterrand, Martineau et Ducastel commencent un autre film, qui semblent les passionner beaucoup plus : les amours homosexuelles de deux fils de 68. Mais les clichés ont la peau dure, et ce sont cette fois-ci des dialogues de soap opera burlesques dans leur indigence qui font couler le navire.
Pourquoi aucun souffle ne se dégage de cette fresque pourtant ambitieuse ? Parce qu'il n'y a ici que des passages en force scénaristiques (la conversion au terrorisme, la séropositivité, le cancer…), et jamais rien dans la chair des plans qui vienne les annoncer. La mise en scène, soit plate, soit maladroite, cherche en vain l'inspiration nécessaire pour faire exister ailleurs que dans le fantasme ou la théorie les intentions des auteurs. Quant à leur vision historique, elle est assez limitée : à la France déjà (le reste du monde n'existe quasiment pas), mais aussi à une froide continuité d'événements, le précédent expliquant le suivant, etc.
Réduite à l'état de faits, cette Histoire-là est manipulable par toutes les démagogies, que ce soit celle que le film prétend bien naïvement combattre (pêché éternel de la gauche) ou celle qu'elle finit par sottement ressusciter.CC


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