En mode majeur


Théâtre / Léa Drucker et Maurice Bénichou s'avancent sur scène et saluent pour la quatrième fois, les spectateurs sont debout. Quelques instants auparavant, au moment où les lumières se sont éteintes, une émotion palpable avait gagné les rangs. Certes il y a le texte de Davis Harrover, tranchant, sans concession. Certes le thème de la pièce (une jeune femme retrouve un homme avec qui elle a eu des rapports sexuels alors qu'elle avait douze ans et lui quarante) est de nature à troubler le public. Mais une simple lecture ne suffit pas à s'en convaincre.
Il fallait mettre ces mots dans la bouche de Maurice Bénichou, faire jaillir cette violence de la frêle Léa Drucker pour réaliser à quel point Blackbird est une œuvre forte et subtile. Claudia Stavisky, à la mise en scène, a choisi de se conformer scrupuleusement aux descriptions données par l'auteur, la rencontre entre Una et Ray se fait donc dans une usine, dans une grande pièce encombrée de déchets où les employés ont l'habitude de déjeuner.
Cette sobriété permet de laisser tout l'espace aux personnages, et de souligner l'ambiguïté de la relation qui a existé entre Una et Ray. Il l'a aimé alors qu'il n'en avait pas le droit, elle l'a suivi alors qu'elle n'avait pas l'âge de décider pour elle-même. Manipulation, perversion ou amour malgré tout, on ne trouve pas plus de réponse tranchée dans les mots d'Harrover que dans le jeu des comédiens. Un jeu tout en retenue, qui ne cède jamais à la tentation de trop en faire et qui tape juste, à en croire le silence qui règne dans la salle pendant une heure trente. Dorotée AznarBlackdird ms Claudia StaviskyAu Théâtre des CélestinsJusqu'au 24 mai


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