Sparrow

Nouvel opus dans la filmographie du prolifique Johnnie To, «Sparrow» est une comédie avec des pickpockets dedans, une œuvre mineure que le cinéaste semble avoir tourné pour le plaisir d'un morceau de bravoure final effectivement époustouflant. Christophe Chabert


Lors de sa venue en France en février dernier, Johnnie To avait décrit Sparrow comme un film politique sur le déclin architectural de Hong-Kong. On le croit sur parole, mais on défie quand même le cinéphile, et même le sinophile le plus pointu, de saisir où cette tentation pamphlétaire est allée se nicher dans le film. Certes, la ville est omniprésente dans les séquences, actrice à part entière de la mise en scène (et notamment ses étonnantes rues en pente), mais ce que l'on voit surtout, ce sont les manigances de quatre pickpockets d'opérette, officiant avec des lames de rasoirs pour tailler les costards et récupérer ainsi quelques portefeuilles sans se faire gauler. Les quatre brigands vont tomber sur un gros bonnet, un ex-as de la fauche devenu parrain tranquille de la métropole, et sur sa petite amie, dont le plus ingénieux de tous s'entiche, ne voyant pas que c'est elle qui le mène par le bout du nez.Fais comme l'oiseau…
Dès le générique, Johnnie To fait vite comprendre au spectateur que, loin de ses opéras urbains les plus sombres (PTU, Election ou le récent Mad Detective), c'est une légèreté ensoleillée après laquelle il court. À l'image du moineau qui donne son titre au film et son surnom aux pickpockets, la mise en scène se fait aérienne, chorégraphique, libre et fluide. Le cinéaste poursuit même une singulière french touch, en faisant de son héros un photographe amateur et un peu mateur, comme au bon vieux temps des premiers Godard et des Doinel de Truffaut, tout en confiant à deux Français le soin de composer une musique jazzy à la Michel Legrand. Tout cela est bien sympathique, distrayant et rocambolesque, notamment grâce à un casting assez bien trouvé et à quelques scènes joliment virtuoses (en particulier celle chez le kiné, au réglage minutieux) ; mais l'affaire est tout de même très mineure de la part de Johnnie To, comme une récréation entre deux gros morceaux. Il faut attendre les dix dernières minutes pour assister, enfin ! à un grand moment de cinéma : une stupéfiante traversée de passage clouté sous la pluie où les deux bandes de pickpockets se livrent un duel feutré dont l'enjeu est de voler l'autre avec le plus de discrétion possible. À coups de ralentis et d'inserts et à l'aide d'une stupéfiante variété de points de vue, Johnnie To invente un ballet étourdissant reposant entièrement sur sa science de la grammaire visuelle, un morceau de bravoure qui vaut à lui seul le déplacement en salles. Dans le contexte actuel, plutôt clairsemé en sorties intéressantes, ça ne se refuse pas.Sparrowde Johnnie To (HK, 1h27) avec Simon Yam, Kelly Lin…


<< article précédent
La fièvre