Jour de Feist


Musique / Les routes de la pop étant essentiellement faites de détours et de croisements, on est venu à Feist par Albin de la Simone. Sur le duo Elle Aime, les deux énuméraient leurs accointances bizarres (le kiwi au Maroilles, les kangourous myopes ou le dépeçage de taupes). Sur Let it Die, l'album qui la révéla, on retrouva chez Feist ce penchant pour les alliages antinomiques, celui notamment de l'exigence et de l'accessibilité : faire vibrer les experts en pesant sur les têtes de gondoles. À 28 ans, la Canadienne n'était alors pas à proprement parler une débutante ayant déjà beaucoup sévi aux côtés de Gonzales et surtout du collectif Broken Social Scene (genre d'Arcade Fire loustic). C'est chez eux qu'elle a puisé ce sens du groove décrochant, ce détachement pop et un penchant certain pour le contrepied en douceur.
Blanche, Feist chante plutôt comme certaines chanteuses noires, avec une ébréchure dans la voix façon Dionne Warwick. Songwriter de talent, elle excelle dans les featuring sur les albums des autres ou les remodelages «feistifs». Comme ces reprises d'incunables folk, morceaux venus du fond des âges qui s'accommodent de tous les colifichets : When I Was a Young Girl sur Let it Die ou Sea Lion Woman sur The Reminder. Cette boucle hypnotique à l'origine inconnue, chantée par Nina Simone (et même par Alela Diane il y a quelques semaines sur la scène de l'Epicerie Moderne), est peut-être le sommet de ce dernier album. Et la preuve que Feist peut s'approprier n'importe quelle chanson.
Pour autant, le titre le plus en vue de ce dernier album, en tout point impeccable (trop ?), reste One Two Three Four, calibré pour les radios et les rappels. La voix fendue de Feist se chargeant de la dose d'aspérités qui manque à sa musique. Parce que le kiwi c'est meilleur avec du Maroilles. SDFEISTAu TransbordeurJeudi 5 juin (Complet)


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Baroque à la française