La Personne aux deux personnes

De Nicolas et Bruno (Fr, 1h30) avec Daniel Auteuil, Alain Chabat, Marina Foïs…


On gardait un chien de sa chienne envers Nicolas et Bruno pour avoir réussi l'exploit de foirer l'adaptation française plan par plan de The Office sur Canal +. Leur premier long-métrage entame un début de réconciliation ; pas que le film soit génial, loin de là, mais il démontre un (double) regard singulier dans le paysage français. Le pitch intrigant (une gloire has been de la variétoche 80's se retrouve dans le corps d'un employé de bureau sans qualité) conduit à une œuvre elle-même schizo. Il y a la comédie, qui ne sait trop où elle va (voir le dernier tiers, du grand n'importe quoi scénaristique) ni quel ton adopter (mélancolique ? Grinçant ? Scato ? Complice ?). Et il y a le sous-texte, passionnant.
La Personne aux deux personnes peut se voir comme une pertinente réflexion sur la persistance et le retour des années 80. Car entre le mauvais goût de la variété karaoké et la grisaille normative du monde de l'entreprise, Nicolas et Bruno pointent une correspondance troublante, une même négation du temps qui passe, un même jeu de codes factices et inhumains. Voir Auteuil, bourré après une bringue bling bling, soliloquer dans la rue en vomissant dans les poubelles, ou encore rêver, le temps d'une séquence onirique à la Elephant, qu'il dézingue sauvagement du cadre en chantant Mise au point de Jackie Quartz, dit bien que derrière le rire, il y a une inquiétude sur le monde rassurante pour ceux qui pensent que le pire est encore à venir !

Christophe Chabert


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«Mon travail, c’est de contredire la fatalité»