Du cinoche dans les tuyaux
D'ordinaire, la programmation de L'Été en cinémascope, cycle de séances en plein air de l'Institut Lumière, dose films à grand spectacle et œuvres méconnues. En 2008, il est pourtant difficile de lui définir des contours, tant chaque film présenté paraît singulier. Quoi de commun entre La Règle du jeu et Brazil, entre Le Sorgho rouge et Trois enterrements, entre The Snapper et L'Emmerdeur ?
Un véritable cauchemar pour l'esprit de synthèse, qui condamne de facto à piocher aléatoirement dans la liste pour pointer nos coups de cœur. Disons le tout de suite, c'est bien la séance de clôture qui a nos faveurs : Brazil, maître film de son auteur Terry Gilliam, est le genre d'œuvre passionnante car à la fois très datée dans son esthétique 80's et absolument visionnaire dans son propos. Gilliam s'offre une relecture aussi inquiète que drôle du 1984 d'Orwell en propulsant l'histoire dans un quotidien bureaucratique où les tuyaux sont partout. Étonnante métaphore : les «tuyaux» d'aujourd'hui sont omniprésents et invisibles (avec le triomphe d'internet), mais Brazil les déballe comme des tripes sur une table de boucher, faisant d'un plombier un super-héros et d'un pâle employé de bureau un parangon de subversion. Le tout ponctué de dialogues cultes comme celui-ci : «Qu'est-ce qui explique cette vague d'attentats ? - Un manque évident de fair-play de la part des terroristes !»
Burlesque aussi, le Mars attacks de Tim Burton est souvent méprisé par les fans du cinéaste, mais il s'agit d'une comédie mordante envers le patriotisme américain, un Docteur Folamour avec des aliens très méchants mais qui «viennent en paix».
Plus douce-amère, la comédie de Francis Veber L'Emmerdeur est surtout l'occasion d'un duo inattendu entre Lino Ventura et Jacques Brel.
Enfin, en matière de comédie sociale, il ne faut pas rater The Snapper de Stephen Frears, où comment l'apparition d'un enfant non désiré provoque une cascade de rires et quelques larmes dans une famille de prolos anglais ordinaires...