Plus qu'Honest

Musique / L'ambitieux projet du label Honest Jons ne déçoit pas : avec plus de trente artistes sur scène et une variété de styles qu'on pensait inconciliables, la revue emmenée par Damon Albarn enchaîne sans temps mort une heure trente de musique exceptionnelle. Christophe Chabert (envoyé spécial à Londres)


Damon Albarn, assis derrière son harmonium, s'agite en tout sens, affiche un sourire extatique, applaudit les artistes qui défilent sur scène, premier spectateur d'un show qui, pourtant, n'aurait pas pu exister sans lui… La Honest Jons revue, du nom du label co-fondé par Albarn avec Alan Scholefield, boss d'un excellent et éclectique magasin de disques londonien sur Portobello Road, est définitivement l'événement musical de cet été. À la manière d'une compilation live, les artistes signés sur le label viennent les uns après les autres livrer des versions de leurs morceaux, les uns devenant les arrangeurs ou les choristes des autres le temps d'une chanson…
On pouvait craindre un bœuf un peu fourre-tout, puisque Honest Jons produit aussi bien de la musique malienne que du folk intimiste ou de l'afro-beat énergique ; mais c'est l'inverse qui se produit… La qualité des artistes présents et leur joie sincère à participer au projet font voler en éclats les barrières ; du coup, seul un auditeur particulièrement sectaire et obtus trouvera à redire à ce sublime défilé.Rock malien
Il y a ceux qu'on attendait sans réelle inquiétude : Candi Staton, diva soul dont la voix puissante n'a rien perdu de sa splendeur avec les années, s'acquitte parfaitement de deux morceaux qui mettent le feu au public. De même, le vieux renard Tony Allen marie sans peine ses percussions aux cuivres déchaînés des new-yorkais d'Hypnotic Brass Ensemble. Il y a ceux que l'on guettait au tournant : à ce titre, Simone White enchante au-delà des espérances. Petit brin de femme timide et délicate, elle propose elle aussi deux chansons folk de son répertoire dont une, splendide, flanque les larmes aux yeux et la chair de poule. Mais cette revue réserve surtout son lot de découvertes essentielles : Victoria Williams, folkeuse néo-hippie aux accents country, propose un gospel que la chorale de musiciens reprend avec ferveur ; Kokanko Santa se révèle en Nina Simone malienne, voix exceptionnelle et virtuose du n'goni, qu'elle utilise comme Hendrix ses guitares électriques ; et Afel Bocoum émeut par son blues malien épuré et fragile. Mais le gros coup de cœur de cette soirée hors norme, c'est l'extraordinaire Lobi Traoré. Guitariste exceptionnel, revendiquant son amour pour John Lee Hooker et Johnny Halliday (sic !), il montre que la musique malienne peut avoir l'énergie euphorique du rock le plus percutant. Tout cela s'achève par une éruption musicale où chacun est amené à participer à la fête, pour une reprise sublime de Sunset chantée par Albarn lui-même, hôte de luxe d'une inoubliable orgie sonore.Damon Albarn présente Honest Jons revueAux Nuits de Fourvière, le jeudi 10 juillet


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