Sandro Veronesi Chaos calme

Grasset


Couvert de prix en Italie, d'ores et déjà adapté au cinéma avec Nanni Moretti dans le rôle principal, le livre de Sandro Veronesi (le troisième à être traduit en français) nous est arrivé précédé d'une réputation très flatteuse qui nous rendait plutôt méfiants. 500 pages plus tard, on est bien obligés de reconnaître que ce roman procure un simple et pourtant enivrant plaisir de lecture qu'il serait malhonnête de bouder. Car le bonhomme a le sens des dialogues, des situations, de l'humour aussi, et en joue à merveille. Le héros de ce Chaos calme est un quadra dont on pourrait dire, si cette expression n'était pas vide de sens, qu'il a "tout pour être heureux". Lorsqu'il perd sa femme suite à une rupture d'anévrisme, il est frappé par l'absence totale (et coupable) de chagrin qui l'habite. Afin de guetter et voir venir cette souffrance légitime, Pietro prend la décision très «beckettienne» de mettre sa vie entre parenthèses et de passer ses journées à l'arrêt, sous les fenêtres de l'école de sa fille Claudia. Les connaissances qui viennent lui rendre visite dans son nouveau lieu de vie (sa voiture, le bistrot du coin et le square d'en face) transforment les sièges de l'Audi en un divan de psychanalyste. Chacun s'y retrouve, non pour consoler le veuf, mais pour partager ses propres névroses et tenter de retrouver le chemin du bonheur. À travers cet éloge de l'immobilité (de l'immobilisme ?), l'auteur italien nous rappelle l'importance de la lenteur dans un monde de vitesse où la superficialité empêche d'avoir des émotions profondes. Un roman qui, sous l'apparente légèreté de son humour dévastateur, nous dit aussi beaucoup de la désincarnation à l'œuvre dans nos sociétés modernes…
YN


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