CHRISTOPHE Aimer ce que nous sommes

AZ/Universal


Ah Christophe : ses bottines, sa moustache transparente et ses airs d'oisillon mazouté ! Dans la série des artistes marchant sur le fil étroit qui sépare l'absolument sublime des abîmes du ridicule, l'interprète des Mots Bleus est sûrement le plus grand. Aimer ce que nous sommes est de cette trempe : un interminable collage délirant et éparpillé à écouter en voiture (bien que privé de permis pour excès de vitesse chronique, Cricri est dingue de bagnoles). Mais en roulant exclusivement sur une corniche vers le couchant ; avec le risque, bien entendu, de finir à la flotte. C'est justement tout le charme de cet album casse-gueule fait de prises de risques et d'embardées. Christophe, le détail a son importance, n'est pas le dernier des mélodistes-arrangeurs, ni le dernier des paroliers solitaires, comme sur Mal Comme ou l'épique Tandis Que. Et là où la plupart de ses confrères yéyés ratissent leur Âge Tendre dans les méga-galas pour seniors nostalgiques, Christophe barbotte dans l'électro (Tonight Tonight), se saoule de poésie variét' planante, vaporise en trip-hop sa voix de fausset (T'aimer foll'ment). Le ridicule, excès de sincérité ou scorie de m'enfoutisme maniéré, s'immisce quand Christophe fatigue avec ses invités qui parlent-chantent évaporés sur des nappes : quand on demande à Isabelle Adjani de psalmodier des inepties, on tend un peu le bâton, c'est sûr. Bâton de pèlerin, dans le cas de Christophe, voyageur solitaire barré en territoires floues. Grand monsieur toujours un peu petit mec. SD


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