Spitz Fire

Enfants du rock, les frères Bregere (Matthieu l'aîné, Damien le cadet) ont longtemps cru que seuls les instruments pouvaient faire danser les cœurs. En se frottant d'abord timidement à l'électro, ils découvrent un monde fascinant. Ils se font désormais appeler Spitzer et livrent des lives techno absolument explosifs. Antoine Allegre


"On n'a pas eu des parents réac'. Ils nous ont toujours dit de faire des études. Mais, à aucun moment, ils nous ont empêché de faire de la musique". Les frangins Matthieu et Damien Bregere, plus connus sous le nom Spitzer, ont eu pas mal de chance. "On a un père admiratif de la vie de musicien (…) Ses yeux ont pétillé quand il a vu notre nom apposé sur le remix de Kylie Minogue", déclare fièrement Damien, le plus jeune. Originaire de la région parisienne, le clan débarque à Lyon il y a onze ans "le coup classique de la mutation paternelle". Les deux frères ont déjà pas mal d'années de solfège et une tripotée de cours au conservatoire derrière eux. "Quand on est arrivé ici, on a arrêté le classique". Leur truc, c'est le rock'n'roll. Matthieu prévient son interlocuteur : "il faut écrire en gras le nom des Gun's N' Roses". Ils forment leur premier groupe, Larsen. D'abord grunge sur le tard, leur aventure prend des contours pop-rock dans la droite lignée des Radiohead et des Smashing Pumpkins. La musique électronique à l'époque ? Damien : "on l'ignorait, on ne savait limite pas que ça existait". Matthieu : "on se considérait comme des musiciens débiles. S'il n'y a pas d'instrument, ce n'est pas de la musique".

Sept ans après leurs premières expériences de distorsion rock, le groupe Larsen splitte. Entre temps, la deuxième vague de French Touch et le son saturé de l'équipe Head Banger émergent et le Bregere crew découvre par le biais des albums Adore des Smashing Pumpkins et Kid A de Radiohead que l'on peut mettre des accords électroniques derrière une mélodie rock. Ce qui leur met la puce à l'oreille. Alors qu'ils écoutent religieusement des disques en bons frangins, Druqs d'Aphex Twin et The Last Resort de Trentemoller font leur apparition dans la vie de l'inséparable duo. "C'était incroyable de mettre autant d'émotion dans de la musique électronique" constate Damien.

Baptême du feu

Rassérénés à l'écoute de ces monuments de la musique électronique, ils laissent tomber leur projet de monter un nouveau groupe rock. Qui devait s'appeler Spitzer. En 2004, ils recroisent la route de leur ami d'enfance Pierre-Marie Oullion, à l'époque stagiaire au tout frais festival Nuits sonores. Ensemble, ils font leur baptême du feu dans l'univers club et se frottent à l'esthétique techno. Encore accrochés à leurs instruments, Spitzer voit le jour sous une forme ambient avec un son très inspiré par les fers de lance psyché du label Warp les Boards of Canada. Sur scène, il y a une batterie, une guitare et même une chanteuse jazz. "On s'est vite rendu compte qu'on ne voulait pas faire ça", déclare Matthieu. Outre le rock nerveux, ce qui fait désormais exulter les Spitzer c'est la techno hypnotique de Ricardo Vilalobos. Le nouveau but des Spitzer c'est "clairement faire danser". Mais on ne se refait pas. "On aime injecter de la grosse disto et les chansons longues, qui montent de façon progressive et déstructurée, quitte à ce que ça soit frustrant positivement pour l'auditeur". Le duo Spitzer n'est pas de l'école de la boucle, Daft Punk et quelques autres sont là pour ça. Exit les instruments organiques, bonjour l'informatique musicale et ses logiciels imbitables. "On travaille de façon vraiment modulable. En grossissant le tableau, on peut dire que Damien qui est batteur de formation, s'occupe de la section rythmique et moi du reste", déclare Matthieu. "À deux, on travaille mieux. Parfois on veut prendre une direction techno et on aboutit sur de l'ambient. Et inversement", s'accordent les frères.

Live endiablé

Au contact de l'équipe de Nuits sonores, Spitzer se fait les dents, compose et tâte du live : un exercice de prédilection. "En 2008, nous n'avons pas sorti notre maxi Roller Coaster. On s'est plus concentré sur la scène, le live est vraiment important pour nous. C'est par là qu'on doit passer". Même si pour Damien "sortir un disque est un rêve de gosse" et "un moyen d'alimenter le live", selon Matthieu, les Spitzer ne prennent pas de vacances cet été pour peaufiner leur projet discographique. Un temps approché par Bella Union, la maison mère de Belle & Sebastian et des Cocteau Twins, c'est peut-être du côté de In Finé, le label de leur parrain lyonnais Agoria, qu'il faudra aller chercher le premier disque des Spitzer d'ici quelques mois. "On est à fond Gaulois", plaisante Matthieu. Des artistes lyonnais qui ont un manager lyonnais, un tourneur lyonnais et la potentialité de signature dans un label créé par un artiste lyonnais. "Ça nous évite de nous disperser, de se faire trimballer un peu partout", rectifie t-il. En attendant, les Spitzer préparent actuellement une nouvelle tournée aux États-Unis prévue en septembre.

Spitzer

1982 : Naissance de Matthieu à Dakar (Sénégal).
1984 : Naissance de Damien à Clermont-Ferrand (Auvergne)
1991 : "Use Your Illusion" des Guns N'Roses est leur première claque rock
1997 : Ils montent leur groupe Larsen.
1999 : S'extasient devant le côté rat de laboratoire électronique de "Ok Computer" de Radiohead. En écoutant "The Last Resort" de Trentemoller, ils sautent dans le grand bain de la techno en 2006.
2008 : Ils jouent devant leurs parents lors de leur plus important show à Nuits sonores.


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