Entre les murs du son

Livres / La collection Entre deux, à l'initiative du Centre de Formation de Musiciens intervenant à l'Université Lyon 2, propose trois premiers titres expliquant l'expérience de la musique électroacoustique. Christophe Chabert


Courts mais parfois très denses, les trois premiers livres de la collection Entre deux sont aussi divers que complémentaires. Sons d'école, co-écrit par Laetitia Pauget, musicienne électroacoustique, et Alain Gerber, à la fois instituteur et musicien techno, est le plus accessible : il relate l'expérience menée pendant près de dix ans à l'école primaire de Chambéry-le-Vieux. Les élèves ont pu découvrir, puis créer eux-mêmes, des compositions de musique électroacoustique. Instructif sur la capacité qu'ont les enfants à accueillir avec beaucoup moins de préjugés que leurs parents l'étrangeté d'une musique «expérimentale», le livre montre aussi comment une équipe pédagogique mobilisée et à l'écoute des intervenants extérieurs peut conduire un projet ambitieux, et l'approfondir au fil des années. D'une certaine manière, le deuxième titre de la collection, Inventer sa musique (Gérard Authelain), est la théorie de cette expérience, un manifeste pour la création musicale à l'école comme apprentissage libérateur. L'auteur propose une généalogie de cette «création» : comment «l'originalité» naît de «l'invention» qui est une «trouvaille», fruit d'un travail d'écoute et de mémoire… Non seulement Anthelain ne révoque pas les expériences de la nouvelle pédagogie des années 70, mais ce petit lexique n'hésite pas à ruer dans les brancards de certains (ministres et démagogues) qui voudraient liquider la capacité d'expression spontanée au profit d'un enseignement recentré sur ses «fondamentaux».Le son particulier
Un peu à part, L'idée de tournage sonore, beau texte de Lionel Marchetti, se rapproche des essais théoriques de Michel Chion. À la manière de Rilke rédigeant ses Lettres à un jeune poète, il écrit à son tour à un étudiant en musique pour lui faire prendre conscience de l'importance du «tournage sonore», terme à son sens meilleur que celui de «prise de son», dans le processus de création. Le mot «tournage» n'est pas innocent : pour Marchetti, l'enregistrement des sons naturels est une question d'espace, de temps et de technique, comme le choix du cadre et de la focale au cinéma. La composition s'apparenterait alors à un montage dans lequel chaque son enregistré serait rendu à sa dimension d'objet sonore singulier, détaché de son référent et rattaché aux affects qu'il inspire au créateur. Écrit comme des petits poèmes, ces réflexions brillantes débordent largement le cadre de l'ouvrage «universitaire».Collection Entre Deux (Momeludies/CFMI)www.momeludies.com


<< article précédent
À vos jeux, prêts ? Étudiez !