Mouawad se la joue sobre

THÉÂTRE / Le destin de trois figures légendaires raconté par l'auteur franco-libanais Wajdi Mouawad, ça donne Le Soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face. Une bonne surprise à découvrir cette semaine à l'Hexagone. Aurélien Martinez


Wajdi Mouawad est un auteur bankable : son nom sur une affiche est gage d'un succès tant critique que public. L'homme est ainsi adulé - limité vénéré - par une partie du milieu théâtral voyant dans sa prose et son approche du monde contemporain si ce n'est une révolution, du moins une nouvelle dimension. Quitte à être catalogués de ringards par le premier fan de Mouawad qui passerait par là, nous n'avons pas toujours partagé cet enthousiasme délirant (fanatique ?), notamment sur certaines de ses pièces foisonnantes et indigestes. Quelle ne fut donc pas notre surprise à la découverte du Soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face. Certes, Wajdi Mouawad n'est intervenu que sur le texte, laissant la mise en scène dans les mains de Dominique Pitoiset, directeur du Théâtre national de Bordeaux. Mais tout de même…Puzzle mythologique
Conflits, héritage, transgressions, exil : la mythologie fascine Mouawad. Sa pièce traite donc de ce thème, à travers le destin de trois figures légendaires de la lignée de Thèbes : Cadmos, Laïos et Œdipe. Le premier est contraint de fuir sa Phénicie natale – aujourd'hui le Liban, lieu de naissance de l'artiste – pour partir à la recherche de sa sœur enlevée par Zeus. En chemin, il fondera Thèbes (qui peut être vue comme l'utopie), suite à l'injonction de l'oracle de Delphes. Laïos est son arrière petit-fils, qui se détruit par le désir interdit pour les jeunes garçons : ce sera la cause de la malédiction pesant sur Thèbes. Enfin Œdipe, fils de Laïos, qui recherche son identité et, sans le vouloir, tuera son père et couchera avec sa mère. Ces histoires sont parfois difficiles à saisir. Dominique Pitoiset a décidé de les rendre les plus lisibles possible, en jouant avec la vidéo, le titre des chapitres étant projeté sur écran : ce qui pourrait passer pour accessoire devient un réel matériau artistique. Grâce à ce procédé, on suit pleinement cette saga traversant les générations, les époques. Les trois acteurs, formidables sans en faire trop, incarnent ces Cadmos, Laïos et Œdipe, tous habillés de façon urbaine. Accompagnés par un musicien et deux marionnettistes, ils donnent vie au mythe, à cette histoire qui est celle de notre civilisation. Même si on ne voit pas toujours où Mouawad et Pitoiset veulent en venir, et même si la fin se perd dans un too much qui aurait pu être évité, Le Soleil ni la mort… est une pièce agréable à regarder, qui interroge sobrement sur la nature de l'être humain. Sobrement, oui. On prévient ainsi ceux qui avaient adoré le Mouawad grandiloquent de Forêts : ils seront vraiment déçus car ici, personne ne baise avec une girafe dans un zoo !LE SOLEIL NI LA MORT NE PEUVENT SE REGARDER EN FACE
Du 8 au 11 octobre au Théâtre de la Croix-Rousse.


<< article précédent
Un été avec Coo