Antony & The Johnsons Another World

Secretly Canadian


Là où d'autres se contentent petitement de rêver d'un autre monde, Antony Hegarty a façonné rien moins qu'un univers par la seule grâce de sa voix et du vagabondage de ses mains sur un piano. Cela a donné deux album plutôt sublimes, des concerts frissonnants et une multitude de collaborations précieuses (Björk, Boy George, Lou Reed) dont la dernière, Hercules and Love Affair, lui faisait arpenter les sentiers jusqu'ici peu battus par lui du disco. Sur Another World, Ep 5 titres préfigurant un troisième album, The Crying Light, qui sait se faire désirer, jamais la voix d'Antony n'aura autant sonné comme celle d'une vieille mamma du Sud cotonneux en robe de princesse Disney, comme sur Crackagen. Sur Shake that Devil, l'incantation s'accompagne tout juste d'un bourdon sur lequel fugue le timbre d'Antony avant que la virée ne tourne casaque blues secouée d'un saxo free-jazz. Surprenant quand on sait que jusqu'ici les intentions saxophoniques du chanteur s'étaient cantonnées à quelques sirupeux sanglots que son organe sauvait de la ringardise. Le reste, morceau-titre en tête, est plus classique (au sens «Antony» du terme, s'entend) et, sans atteindre la puissance lacrymale de certaines œuvres anciennes, laisse présager un album dont on espère qu'il se permettra lui aussi quelques écarts.
SD


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