Nique toujours sa mère

Musique / La reformation de NTM, cette semaine en concert à la Halle Tony Garnier, aura fait couler beaucoup d'encre, ravivé la passion des fans et montré que le rap, en France, a acquis une légitimité culturelle tardive et ambiguë. Christophe Chabert


N'y allons pas par quatre chemins : NTM est un groupe important, décisif même, pour la musique française des trente dernières années. Chaque album du groupe de Kool Shen et JoeyStarr a contribué à forger un son et à graver une écriture qui ont fait école dans le rap français. La rivalité avec IAM (Paris contre Marseille, grand classique), le tempérament volcanique de JoeyStarr, sa capacité à remplir les tabloÏds people avides de déjections, et même la période de séparation du tandem (houleuse et pas totalement éclaircie par cette reformation dont d'aucuns disent qu'elle n'a d'autre but que lucratif) ont ajouté une couche de mythologie sur cette excellence sans académie. Allons encore plus loin : leurs chroniques d'un malaise urbain appelant un coup à la violence et à l'insurrection, un coup à un calme responsable et presque paternaliste, semblent plus que jamais d'actualité. «Qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu ? Qu'est-ce qu'on attend pour ne plus suivre les règles du jeu ?» Questions essentielles, valables hier pour certains, et pour beaucoup plus aujourd'hui.Les Indiens dans la ville
Reformation médiatique. Gros concerts parisiens. Pas de nouveaux morceaux. Le plaisir de faire péter les tubes, nombreux. Grosse tournée dans la foulée. S'y massent plusieurs générations d'auditeurs, fidèles de la première heure, jeunes ayant baigné dans l'exceptionnelle pérennité FM de morceaux indémodables (Ma Benz, au sommet) et convertis tardifs attirés par le phénomène. Par quel prodige NTM, qui faisait frémir et divisait il y a vingt piges, passe maintenant pour les Ferré de la Cité ou les Stones du 9-3 ? Le temps fait son petit office de nostalgie sélective et d'amnésie accommodante, certes, mais le long silence du groupe n'y est pas pour rien. C'est comme dans les westerns : un bon Indien est un Indien mort. Terrassé par le bling bling du rap business et l'égotrip extrême de ses deux membres, NTM a rejoint le cimetière de la morale. Revenus de ce grand nulle part, Kool Shen et JoeyStarr ne font plus peur au système car celui-ci les a abîmés, eux aussi. Une distance fatale s'est créée : le NTM d'aujourd'hui est devenu le NTM d'avant. Ouaip… Il suffit pourtant d'écouter l'album solo de JoeyStarr (chef-d'œuvre, putain de chef-d'œuvre) pour savoir que l'ours est toujours aussi mal léché et ne demande qu'à déchiqueter le con en face de lui. Nous ? Lui ? Vous ? «Si t'as le pedigree, ça se reconnaît au débit».NTM
À la Halle Tony Garnier, jeudi 23 octobre.


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