Le Plaisir de chanter

Musique / François Virot, chanteur-musicien, sort ces jours-ci un premier album folk aussi intelligent qu'accessible, simple et direct comme son auteur. Christophe Chabert


On attrape François Virot au réveil. Il est pourtant 14 heures… Mais il donnait la veille un concert à Berlin, et l'embarquement était à 5 heures ce matin. Merci Easy Jet… François Virot nous raconte d'ailleurs qu'à cause d'eux, il a dû changer de guitare, la première ayant été définitivement égarée lors d'un précédent voyage. Pas beaucoup dormi donc, un peu hirsute aussi. Café et cigarettes roulées nécessaires pour mettre en route l'interview. Et voilà François Virot prêt à défendre son premier album, Yes or no. Enfin, défendre… Quand on lui demande le moment où il a eu l'impression d'écrire des chansons abouties, il répond : Jamais. Et il ajoute : C'est toujours un peu mieux qu'avant. Mais j'ai du mal à écouter l'album aujourd'hui, je trouve ça un peu pourri… En retraçant avec lui sa courte biographie (il n'a que 24 ans), on comprend que cette insatisfaction est surtout le fruit d'un désir d'apprendre et de désapprendre. D'où lui vient l'envie de faire de la musique ? J'avais un grand frère, j'ai juste fait comme lui.Quand ce mimétisme a-t-il débuté ? Assez tôt, j'avais sept ans. J'ai essayé de jouer de la guitare, et j'ai arrêté à neuf ans. Je n'ai fait que de la batterie ensuite, j'ai repris la guitare il y a trois ans à peine.

The Ex-Montbardois

La famille Virot vient de Montbard, sous-préfecture de la Côte d'or. François Virot raconte ses premiers concerts comme une sorte d'expérience fondatrice : Mon frère et moi avions joué dans un bar pourrave avec un autre groupe. Il y avait des lycéens à la con et leurs parents dans la salle. Nous, on a fait nos compos et tout le monde s'en foutait. L'autre groupe arrive, ils jouent Smells like teen spirit et les gens applaudissent. Alors que c'est nul de faire ça, tout le monde connaissait l'album de Nirvana par cœur, c'est même avec ça que j'ai appris la guitare ! Essayer de composer des morceaux, faire en sorte à chaque fois que ce soit de plus en plus dur, c'est le seul moyen d'apprendre à faire de la musique. Les frères Virot se cherchent d'abord niveau style : punk-rock, puis noise, avec des chansons de plus en plus compliquées. Pour François, la découverte de The Ex, mythique groupe hollandais, reste une inspiration décisive. Ensuite, on a choisi de se calmer et de réfléchir à ce qu'on faisait, ce qui a changé beaucoup de choses. D'éphémères études en économie et l'envie d'une plus grande ville musicale poussent François Virot à s'installer à Lyon où il commencera à écrire des chansons en solitaire, tout en participant au groupe Clara Clara.

Pas que la musique…
Au milieu de tout ça, François Virot a aussi fait partie de l'équipe fondatrice de Grnd Zéro, du temps où il était un squat du côté de Gerland. Quand l'aventure devient plus institutionnelle, Virot prend ses distances : Je n'avais pas envie de cette option où l'on discute avec les autorités. Je voulais plutôt foutre un peu le bordel… Mais c'est surtout l'occasion de se consacrer à sa musique, faire des concerts et pas seulement en organiser. Le choix du folk n'en est même pas un : Je me suis retrouvé à jouer tout seul avec une guitare parce que je n'avais pas d'endroit où répéter. Pour lui, la musique est avant tout un plaisir de l'ordre de la spontanéité. L'album, il l'a enregistré en trois semaines chez lui : Tout seul avec une guitare, un micro, une carte son, une table pour taper dessus… Il ne s'épanche pas sur sa manière si particulière de jouer de la guitare, incroyablement rythmique ; on ne l'interroge même pas sur sa voix, incroyable. Il faudra attendre qu'il passe la musique des autres et qu'il explique son enthousiasme pour le nouveau set de Clara Clara afin de mieux cerner ce qui le motive : quand chaque note prend le contre-pied de la précédente, quand la sophistication disparaît derrière l'évidence, quand des suites d'accord complexes produisent un plaisir d'écoute simple. Je me suis rendu compte que les meilleurs albums de mes groupes préférés ont été faits au moment où, pour eux, la musique n'était pas si importante que ça, mais qu'il y a autre chose. Ainsi est François Virot : méfiant envers la mythologie rock et heureux que sa musique soit cool à écouter. François Virot

Yes or no (Clapping music)
En concert à Grnd Zéro avec David Grubbs mercredi 22 octobre.


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"C'est bon de connaître ses fondamentaux"