Sur le fil

Théâtre / Est-il triste ? Doit-il faire rire ? Est-il le reflet plus ou moins déformé de son créateur ? Anne Gaillard tente de répondre à ces questions en explorant la mythique figure du clown. Sans nez rouge. Nadja Pobel


Depuis quelques décennies, Anne Gaillard est comédienne. Elle a fait le Conservatoire de Lyon puis a co-fondé le Théâtre de la Graine en 1978 qui allait devenir l'actuel Mi-graine, dans le 5e arrondissement. La comédie l'a entraînée à Paris mais à trop courir les cachets, elle a fini par ne plus trouver de sens à cette agitation : je n'arrivais plus à questionner ce métier, explique-t-elle. Et comme dans une image d'Épinal, elle a tout plaqué pour l'appel de la campagne, pour ouvrir un gîte à Malaucène au pied du Ventoux, élever des chèvres et ne plus aller au théâtre. Une absence de dix ans pour mieux revenir. Le hasard la conduit à travailler en ateliers d'art vivant avec des adolescents. La voilà relancée sur les planches en ne sachant d'ailleurs pas très bien comment elle a pu se passer de cette adrénaline pendant si longtemps. Elle monte la compagnie acte 9 en 1997.

La matière de l'acteur

Au Théâtre de l'Iris, Giselle a pris corps dans le festival Brut de fabrique au printemps dernier. Anne Gaillard concède pourtant qu'elle n'était pas attirée par le personnage outrancier du clown. Trop caricatural. Trop de souvenirs mitigés de séances au cirque. Mais elle avait cette volonté de créer un personnage sensible et accessible à la fois. Giselle entre sur scène pour réciter des poèmes sur la mort via Baudelaire, mais elle divague, se perd à raconter l'absurde, sa vie rêvée qui finalement n'est pas celle d'un ange et un peu moins peinte de rose qu'elle ne se l'était imaginée. Elle est en colère, se plait à dialoguer avec le public ou à s'entretenir par talkie-walkie avec Victor Hugo… Pas de mépris ici, plutôt une allégorie de la vie et une façon pour Anne la comédienne d'exprimer une partie d'elle-même. Le travail sur le clown est aussi une approche essentielle de son métier retrouvé. «Il y a une grande exigence de la présence, quelque chose de vibratoire, d'organique ; on est sur scène par tous les pores de sa chair. Et le vertige d'être sur scène n'en est que plus grand, le bonheur aussi». À trop s'approcher du personnage qu'elle a imaginé et qu'elle interprète, la déviance serait de se confondre avec lui. Alors, elle veille à faire parler Giselle comme si elle la créait sur une toile, à bonne distance. Comme par hasard, Giselle échappe à son quotidien en entrant dans un théâtre où il y a les mots, la poésie, le théâtre comme seul lieu d'existence possible. Chassez le naturel, il revient au galop.


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Poni Hoax