Jean Echenoz Courir

Éditions de Minuit


C'est l'histoire d'un homme qui court. Il n'aime pas spécialement ça, d'ailleurs son allure est hideuse, mais il se trouve que c'est toujours plus agréable que de travailler à la chaîne dans l'une des usines emblématiques de la Tchécoslovaquie : les usines de chaussures Bata. Peu à peu, son goût acharné pour l'effort et l'entraînement vont faire de lui l'un des meilleurs «fondeurs» de l'histoire du sport. Et c'est à ce moment, à la moitié du récit, qu'Echenoz restitue à son personnage son nom : Émile Zatopek, triple champion olympique aux Jeux de 1956. Pourtant, Émile n'est pas simplement l'athlète qu'il se serait contenté d'être ; il est aussi un sbire du pouvoir communiste qui craint de plus en plus ses déplacements pour des compétitions dans l'autre monde, celui du capitalisme. Pour le rencontrer, les journalistes doivent obtenir une dizaine d'accords et en passer par le ministère de l'Information. Émile ignore tout cela. Il ne voit pas le mal. Soutenir l'opposant au pouvoir, Dubcek, lui voudra d'être envoyé à la mine puis d'être l'éboueur le plus applaudi de Prague lorsque ses compatriotes l'auront reconnu. «Courir» oscille entre la légèreté des semelles de vent du naïf Émile et le poids insondable du contexte politique solidement accroché à son dossard. NP


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De la provoc’ à 6 euros