Cris à Oxford

Musique / Rare révélation de la saison, les Anglais de Foals investissent L'Épicerie Moderne avec un premier album réussi, n'échappant pas à la tentation rétro actuelle mais s'autorisant à froisser l'auditeur autant qu'à le draguer. Christophe Chabert


On a parlé à l'occasion de la sortie d'Antidotes, premier album du quartet d'Oxford Foals, d'un rock qui irait fureter du côté de la musique africaine pour renouveler son fonds de commerce. De deux choses l'une : Damon Albarn l'avait fait il y a quelques années déjà, avec qui plus est le courage de se rendre sur place et pas seulement de télécharger des disques sur Internet (ne parlons même pas du projet Extra Golden, dont les albums ont dû se vendre à douze exemplaires en France !). Ensuite, le fait de se décentrer de sa propre culture musicale n'est pas un gage de postérité, et encore moins de révolution. S'il y a effectivement chez Foals des sonorités de guitare qui ressemblent à celles de groupes congolais, des cuivres hérités de l'afro-beat, des boucles de textes proches des chansons maliennes, la vérité oblige à dire que le groupe est plutôt l'énième héritier d'un revival marqué par le rock underground new-yorkais des années 80 (qui s'accouplait pareillement avec le funk). Et le contenu des textes, où l'on cause d'internement psychiatrique ou d'un joueur de tennis avant son entrée sur le court de Rolland-Garros, doivent évoquer énormément de choses aux habitants de Bamako !Le charme discret de la prod' moisie
Cela étant, on peut toutefois miser ses billes sur le groupe plutôt que sur d'autres à l'avenir aussi incertain que leur hype actuelle est avérée. Pour une raison simple : Antidotes est un album un peu sale, qui l'aurait été encore plus si le grand gourou David Sitek (TV on the radio) avait poussé à bout ses expérimentations en tant que producteur. Rythmiques bousillées, échos mal réglés, harmonies vocales boiteuses, grésillements, couches d'arrangements passées au kärcher, autant de manière de saboter les tubes proprets que le groupe s'était évertué à composer. Les grands disques de ces dernières années nés de ce genre de tripatouillages obscurs étaient souvent l'œuvre d'artistes au fait de leur carrière (Bashung avec L'Imprudence, par exemple) ; qu'une formation aussi novice que Foals ait osé déplaire à des auditeurs à peine moins âgés qu'eux est une bonne nouvelle. C'est aussi ce qui fait que, six mois après sa sortie, Antidotes continue de tourner sur notre platine alors que d'autres albums du même genre ont grossi les bacs à soldes de nos amis disquaires. Reste à savoir si cette alliance fragile entre chansons charmeuses et son rocailleux passera l'épreuve du live…Foals
À l'Épicerie moderne, jeudi 20 novembre.


<< article précédent
L’Échange