Fille manquée

Théâtre / Sans pathos et avec un humour désarçonnant, la comédienne belge Vanessa Van Durme nous parle de transsexualité et du regard des autres. Fort, très fort. Aurélien Martinez


Quand certains petits garçons grimpent aux arbres ou tapent avec rage dans un ballon de foot, d'autres ne rêvent que d'une chose : devenir une petite fille. C'est ce que nous explique Vanessa Van Durme qui, après de nombreuses questions métaphysiques - «Il y a deux personnes en moi» -, décide à 27 ans de se faire opérer pour devenir une femme. Un parcours personnel chaotique à la recherche d'une identité malmenée, qui va plus loin que la seule question du changement de sexe. «Le problème n'est pas entre les jambes, mais entre les oreilles». Le sujet était a priori casse-gueule, propice aux caricatures les plus lourdingues ou au déballages impudiques. Le résultat est pourtant très loin du pathétique : on assiste simplement à la mise à nu poignante d'une comédienne épatante, grâce à une mise en scène discrète entièrement au service du texte.Mélange des genres
Chez Vanessa, tout part donc de cette volonté de changement et du regard que portent ses parents sur ce changement. Un regard circonspect du père, un autre plutôt compréhensif de la mère même si ce n'est pas évident pour elle... «Je te demande pardon de t'avoir fait tant de mal, mais je ne pouvais pas faire autrement». Dialogue à une voix, car Vanessa est seule sur scène, dans une nuisette qui ne cherche pas à masquer son corps d'homme. Seule, à soixante ans, face à ses choix passés, au besoin de les assumer. Mais rien de plombant dans tout ça. Regarde maman, je danse est un spectacle bourré de tendresse. Jamais Vanessa ne s'apitoie, jamais elle ne tombe dans le misérabilisme. Toujours avec beaucoup d'humour, elle évoque sa vie de A à Z : ses envies, enfant, de s'habiller en princesse et non en pirate ; la difficile décision de se faire opérer ; sa première pénétration vaginale… Sans omettre les moments les plus durs, les plus violents de son existence, toujours en riant. Car la force du spectacle est là : propulser l'humanité sur scène, l'envie de vivre, d'exister coûte que coûte. Et surtout rire des préjugés, même si ce n'est pas toujours facile, ce qu'elle montre très bien dans ses diverses anecdotes. Ainsi, quand un douanier marocain lui demande, alors qu'elle est devenue femme, combien elle a payé pour l'opération, elle comprend douloureusement qu'elle sera toujours «un phénomène» pour les autres. Le masque tombe, la femme prend le pas sur la comédienne, et c'est vraiment réussi.Regarde maman, je danse
au Toboggan à Décines, jeudi 20 et vendredi 21 novembre.


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