Du rêve au réel

Théâtre / En 1994, Florence Rey et Audry Maupin, deux jeunes amoureux, s'embarquent dans une cavalcade qui les dépasse : cinq morts en vingt minutes dont trois policiers et Audry.


Sandrine Bauer ne cache pas s'être inspirée de ce fait-divers longuement commenté, parfois romancé. Elle n'excuse personne, restituant l'avant et l'après de cette fusillade en multipliant les personnages, comme autant de point de vue. Il y a la sage étudiante de 19 ans qui tombe dans les bras du magnétique Audry rebaptisé ici Ludo et celle d'aujourd'hui qui, à 34 ans, sort de prison, après «15 années de vide». Cette Florence-là, Sandrine Bauer en endosse les traits, avec des yeux noirs planqués au fond des orbites, elle observe parfois la Florence d'avant, l'exhorte à sortir de cette spirale d'amour-violence. Six acteurs, deux périodes éloignées, une prison, plusieurs maisons, le squat de Flo et Ludo, une paroi d'escalade, les rues de Paris, la course-poursuite avec la police... Tout cela tient sur le plateau de l'Espace 44 sans jamais qu'il ne paraisse trop exigu. C'est un vrai tour de force que de parvenir à créer cette tension jusqu'au dénouement pourtant connu. Sandrine Bauer a su s'appuyer sur la fougue et la fureur de ses protagonistes pour livrer un texte particulièrement rythmé et bien articulé. En chef d'orchestre, André Sanfratello a su créer un décor à tiroir où tout est d'emblée sur scène sans que rien ne soit dévoilé trop tôt grâce à un jeu de lumière percutant. Et si l'une des pièces les plus ambitieuses de cet automne se trouvait là ? Nadja PobelJ'ai pas rêvé longtemps
À l'Espace 44 jusqu'au 23 novembre.


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