Explosion Pop

Entretien / Artiste diablement originale dans une scène française policée à l'extrême, Camille déploie son univers bigarré lors de shows hautement énergiques. Rencontre avec notre Björk made in France. Propos recueillis par Aurélien Martinez


Petit Bulletin : Ce qui frappe en écoutant vos albums, et encore plus en vous voyant sur scène, c'est l'aspect très organique de votre musique...
Camille : Tout à fait, même si je n'ai pas inventé l'idée que la musique passe par le corps... Que l'on chante, que l'on fasse des percussions corporelles, joue du violon, du piano ou je ne sais quoi, c'est une vibration intense, j'imagine que nos cellules s'agitent sous l'effet de la musique. J'essaie alors de souligner cet aspect organique en mélangeant la musique aux mouvements, en travaillant avant tout sur la voix, le corps...

Vous avez surgi début 2000, en même temps que les Delerm, Bénabar, Cherhal et autres... Quel regard portez-vous sur ce que l'on a vite appelé la nouvelle scène française ?
Au début, quand j'ai commencé à chanter, c'était un peu le désert niveau chanson à textes. Keren Ann commençait tout juste... Puis est apparue très vite toute cette vague dont vous parlez. Ça me paraissait nouveau de raconter une histoire simplement avec une guitare et une voix. Après, on n'est pas tous similaire. Bénabar, par exemple, est dans un style extrêmement quotidien, Jeanne Cherhal aussi, même si c'est un peu plus onirique... Dans mon cas, ça l'est encore plus, car j'ai une démarche qui mélange la chanson à textes et quelque chose de plus pop qui se ressent dans la production, dans les arrangements.

On le constate pleinement dans Music Hole, votre dernier album composé en anglais. Avez-vous la volonté de vous débarrasser d'une certaine étiquette ?
C'est une extension et non une rupture. Je fais toujours un travail sur le texte, j'ai toujours quelque chose à dire et je le dis avec les mots et ce qui les précède : les sonorités de la voix, des instruments. Après, dans cet album-là, je chante en anglais donc on ne peut pas vraiment dire que c'est de la chanson française à textes ! Qu'on se rassure, je n'oublie pas le français et je ne vais pas arrêter de l'écrire, de le chanter.

Les réactions que provoque votre univers musical sont tranchées : soit on adhère, soit on déteste. Cela ne vous effraie pas ?
Je fais ce qui me correspond, et après, la réaction du public, c'est sa liberté, son jugement propre. La musique, c'est quelque chose d'extrêmement épidermique, ça va au-delà du simple j'aime/j'aime pas. Quand on rencontre quelqu'un, soit il se passe quelque chose tout de suite, soit il ne se passe rien. Pourtant, on ne peut pas dire que la personne est mauvaise, c'est juste une réaction chimique. À partir de là, je comprends entièrement que des gens ne réagissent pas positivement à ma musique !

Depuis la sortie de Music Hole, vous avez souvent émis le souhait d'inverser le processus de création : d'abord la scène, ensuite l'album.
C'est ce que je ne cesse de défendre. Finalement, le disque a servi de tremplin pour la scène, c'est malheureusement l'ordre des choses dans l'industrie musicale actuelle. Pourtant, Music Hole est avant tout un projet scénique, on le comprend vraiment quand on le voit sur scène.

Votre producteur et pianiste Majiker semble jouer un rôle très important dans le processus créatif.
À la base, Matthew est quelqu'un qui connaît très bien l'harmonie classique, mais il est surtout producteur électro. On a commencé à travailler ensemble sur Le Fil. Je suis arrivée avec mon univers plus organique en lui disant «voilà, je veux faire un bourdon et l'intégralité de l'album avec des voix» et c'était parti ! Matthew est quelqu'un de véritablement créatif, très à l'écoute. On est reliés cérébralement, c'est agréable de travailler ensemble.

La tournée va bientôt s'achever. Avez-vous un autre projet ?
J'ai plein d'idées, ça fuse pas mal. Après, on se rappellera quand ce sera fait, parce que là... !

CAMILLE
Au Transbordeur, samedi 29 novembre.


<< article précédent
Pour la beauté du geste