Le cas Kekaula


S'il fallait dresser un «index des tailles» appliqué au rock n'roll, on s'apercevrait qu'à chaque type de musique correspond peu ou prou un gabarit unique. Certes, il y eut Elvis, le rock incarné, et sa tendance à enfler. Mais le King ne devint bouffi bouffon qu'une fois converti au crooning pailleté (et surtout au mélange létal de ses sandwiches banane-marmelade-beurre de cacahuètes), preuve, finalement, que la musique passant d'une case à l'autre, le corps suit (ou inversement). Dans cet index, donc, le punk serait évidemment sec comme une trique, taille S étriquée, anguleux. La soul, elle, serait généreuse, rajouterait du X à ses L pour roucouler en ondulatoire.

La parfaite fusion punk-soul ne pouvait donc que s'incarner dans le corps mutant de Lisa Kekaula, sirène hurlante des Bellrays. Kekaula, 41 ans, ronde comme une soulette imprégnée d'Aretha mais comme maigre à l'intérieur, le verbe sec, rêche, version féminine et afro-américaine de Rob Tyner du MC5. Le titre de leur dernier album, Hard, Sweet & Sticky pourrait illustrer tout à fait ces contradictions de la musique des Bellrays, cette manière duplice d'incarner la musique comme une poupée russe de chair. Sur ce disque, c'est vrai, le punk des Bellrays rentre parfois dans le rang des sucreries rock FM. Et en ressort les coudes émoussés et le popotin flasque. Mais, même ici, c'est finalement toujours quand le volcan Kekaula entre en éruption, ne pouvant contenir tout ce qu'il renferme, engoncé dans ses nippes étriquées, que les Bellrays redeviennent un groupe taille patron.

Stéphane Duchêne

The Bellrays + Buttshakers + Eko Animo
Au Clacson (Oullins), jeudi 4 décembre.


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La grande rencontre