Dernier Acte

Rares sont les occasions d'entendre les textes de Lars Norén dans les théâtres de Lyon. Le passage d'Acte aux Célestins est une occasion de découvrir cette oeuvre violente et crue dans une mise en scène étonnante de Christophe Perton. Dorotée Aznar


Acte s'ouvre dans une petite salle de consultation mal éclairée. Un bureau sans âme dans un quartier de haute sécurité où va se jouer un huis clos entre un médecin et une prisonnière politique, condamnée à perpétuité pour un acte de terrorisme. Ce qui aurait du être une consultation de routine se transforme rapidement en une lutte d'autant plus violente que les corps sont entravés, par des menottes ou par des conventions, recroquevillés comme celui du médecin derrière une table. Pas besoin d'en venir aux mains dans Acte où tout est violence. Les échanges entre les deux personnages, les allusions constantes à la Shoah, les sévices que l'on fait subir à son propre corps (refus de s'alimenter) et ceux infligés par la captivité (la lumière qui ne s'éteint jamais dans les cellules, les dégradations causées par l'absence de soins). Même lorsque le corps demande les mains de l'autre, réclame qu'on le touche, le langage vient, par sa brutalité, rompre ce qui aurait pu ramener, ne serait-ce que quelques instants, un peu d'humanité sur le plateau.RÉEL PAR TROP RÉEL
Si la pièce de Lars Norén est inspirée par l'Allemagne des années 70 et la vague de “terrorisme rouge”, l'auteur souhaite rester dans l'abstraction, dans le flou. Pas de nom, pas de date, pas d'âge qui ne soit remis en cause. L'histoire s'écrit et se réinvente au fil de la conversation (le père du médecin est-il mort ? A-t-il vraiment des enfants ? Qui la prisonnière a-t-elle tué ?). Ce n'est pas un hasard si les premiers mots de la détenue adressés au médecin sont : «Qui êtes-vous ?», une question qui reviendra comme un écho pendant près d'une heure. On s'étonne alors que Christophe Perton choisisse une mise en scène aussi inscrite dans le réel. Le décor est le plus réaliste possible, les examens médicaux sont pratiqués sur le plateau, les murs s'effritent, comme si Perton craignait que le spectateur ne se perde dans un texte qui refuse de se fixer à un moment précis de l'histoire, comme s'il souhaitait lui donner des éléments concrets auxquels se retenir. Passée cette question de forme qui interroge plus qu'elle ne déçoit, il reste une réussite indiscutable dans le travail de Perton : sa distribution. Hélène Viviès et Vincent Garanger sont tout simplement grandioses.ACTE DE LARS NORÉN MS CHRISTOPHE PERTON
Au Théâtre Les Célestins jusqu'au 5 décembre.


<< article précédent
Secret défense